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Hans Heiling le triomphe de l’ego

Ouvrage fétiche de Pfitzner et souvent repris en Allemagne, Hans Heiling est un opéra de solide facture dont la mise en scène allusive et efficace fait ressortir toutes les arrière-pensées d'une époque. Il ne faut donc pas se fier aux seules apparences… Dans cette triste histoire un maître des esprits renonce à son pouvoir pour connaître l'amour. Mal reçu par les humains et trahi dans son esprit possessif, il n'aura d'autre solution que de retourner aux sources.

Hans Heiling n'est pas un héros sympathique, il serait plutôt du genre égoïste, assoiffé de pouvoir et égocentrique, n'ayant d'équivalent que le Peer Gynt de Grieg. Comment s'étonner que la belle Anna ne l'aime pas, lui qui désire la cloîtrer, la conserver pour son seul plaisir. Il a beau venir du royaume des songes et du mythe, il a beau être inadapté socialement et incompris, personne ne le pleure vraiment lorsque son destin le renvoie à ses études souterraines. Point d'angélisme donc dans cette production dominée par la figure et l'incarnation de , Hans Heiling plus vrai que nature, mauvais comme la galle, falot, superbement restitué par une des grandes voix de notre temps. Un concours de décors a été lancé pour explorer les différentes voies du conte et du mystère. Le choix retenu semble en constituer une synthèse, sorte de renvoi permanent aux références psychanalytiques (le moi refoulé qui impose finalement sa loi) , politiques (l'original a-t-il droit de cité) et finalement anthropologiques (le naturel de l'homme n'est-il pas la possession). Cette mise en scène en étages (dans tous les sens du terme) est remarquablement efficace, les allusions à la culture locale alsacienne amusantes (coiffes, pompiers, bière sont de sortie…) et nous réalisons ainsi que Hans Heiling est bien un opéra de transition, ou alors de répertoire, c'est selon. Sans génie particulier mais avec une maîtrise enviable, la musique de Marschner est bien héritière de Weber et annonce Wagner. Dans la scène initiale, comment ne pas penser au début de Tannhaüser, comment ne pas voir dans les créatures souterraines les ancêtres des Niebelungen ?

Le duo May/Koenig aux costumes et à la mise en scène a sans doute tiré de l'ouvrage tout ce qu'il peut donner, mettant l'accent avant tout sur la dimension humaine de l'œuvre et de ses réminiscences.

Dans la fosse, dirige un philharmonique de Strasbourg généreux et « sonore ». et complètent une distribution sans faille d'aucune sorte. Superbe production une fois de plus, à l'image de ce que nous avons l'habitude d'entendre à Strasbourg depuis plusieurs saisons.

Crédits photographiques : © Alain Kaiser

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