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La délicieuse légèreté de l’être…

Un concert dirigé par constitue toujours un événement en soi, qui plus est lorsque le chef italien se trouve à la tête de la Philharmonie de Berlin dont il fut le directeur artistique pendant douze ans. En l'occurrence celui-ci, enregistré au Teatro Massimo de Palerme, faisait partie de la série des « Europa Konzert » avec laquelle l'orchestre célèbre annuellement l'anniversaire de sa fondation le 1er mai 1882. A cette date, chaque année, cet ensemble prestigieux se produit dans un lieu différent choisi pour sa signification historique spécifique : en l'occurrence, cette année-là, le Teatro Massimo de Palerme. Pour , il s'agissait de son dernier « Europa Konzert » à la tête de cet orchestre qu'il avait marqué de sa personnalité bien particulière, et très charismatique, après plus de trois décennies d'ère Karajan. Sa vision très consensuelle, certes assez différente de celle de son illustre prédécesseur, s'était illustrée principalement par le partage des responsabilités artistiques. « Le mélange de fantaisie, de liberté d'expression et de recherche rigoureuse qui est depuis toujours indispensable à la pratique musicale pouvait soudain devenir une sorte de modèle, d'indicateur pour aborder la situation de Berlin » écrit Abbado dans son livre Musique sur Berlin. N'oublions pas qu'il prit ses fonctions pendant l'année décisive – 1990 – de la réunification de l'Allemagne (après de la chute du Mur en novembre 1989) et de l'effondrement de l'empire soviétique.

Le Teatro Massimo de Palerme, construit entre 1875 et 1897 par l'architecte italien Giovanni Battista Philippo Basile et son fils Ernesto, selon les règles les plus pures du théâtre « à l'italienne », peut s'enorgueillir d'avoir accueilli des artistes aussi prestigieux qu'Enrico Caruso et Maria Callas. D'une belle conception architecturale, il symbolise aujourd'hui le renouveau culturel de Palerme, avec son grandiose escalier, sa salle somptueusement décorée et son entrée monumentale, constitue un écrin idéal, digne accueillir le treizième Europa Konzert de l'. Le programme de ce dernier, très éclectique, composé d'œuvres connues, et mélangeant habilement compositeurs italien, slave et germaniques. permet de mettre en valeur les capacités infinies de cette illustre phalange. Il est vrai qu'avec un chef aussi « universel » et équilibré qu'Abbado, l'excès de pathos, péché mignon de nombre de ses collègues, si talentueux soient-ils, n'a point sa place ici, et s'efface devant la légèreté, la grâce, et cette transparence, cette fantaisie et cette rigueur qu'il avait lui-même évoquées.

Rien n'échappe à la sagacité de ce « diable d'homme », comme en témoignent la grandeur de l'ouverture Egmont, et l'harmonie qui irradie le concerto de Brahms – créé par le grand violoniste Joseph Joachim, ami du compositeur – où Abbado trouve un partenaire éclairé en la personne de Gil Shaham, passionné, mais précis et sobre. Enfin, la belle coloration des instruments dans la « Symphonie du nouveau Monde », et surtout l'ouverture des Vêpres Siciliennes, où l'on entend quel grand Verdien Abbado peut être, mettent un point d'orgue à cette soirée exceptionnelle, saluée par une standing ovation de la part d'un public chaleureux et enthousiaste.

Outre la belle qualité d'images et le raffinement de la réalisation, on peut signaler un « bonus » : un séduisant documentaire sur Palerme, « la belle des belles ».

Crédit photographique : (c) DR.

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