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Un bonheur musical total

Les concerts de Radio-France sont une grande leçon permanente de musique pour le plus grand nombre. Ce fut un concert de toute beauté tant par la qualité des solistes que par celle de cet orchestre généreux et talentueux magnifiquement dirigé par . Un bonheur musical total aussi par le choix des œuvres présentées.

D'abord la brillante et complexe mais très élégante Symphonie n°28 en ut majeur en quatre mouvements composée possiblement durant l'hiver 1773-1774 et qui annonce la Symphonie « Jupiter » de 1778. Les cordes étaient d'une clarté raffinée et subtile dans le trio en fa majeur de l'Allegretto et les cors tout aussi élégants pour les variations de la première phrase. L'orchestre a su restituer avec délicatesse et limpidité l'ampleur formelle de l'œuvre, sa complexité thématique, sa puissance orchestrale et l'extrême richesse de son instrumentation jusqu'au Presto plein d'entrain et au somptueux grand crescendo du dernier mouvement.

Vint ensuite un moment de grâce total avec pour les Rückert-Lieder de Gustav Malher. Ces cinq lieder écrits en 1901 sur des poèmes du grand auteur romantique Friedrich Rückert (1788-1866) sont un moment de pure émotion frémissante et poignante qu'a su exprimer avec naturel et intensité la grande wagnérienne par excellence qu'est . Elle a révélé ce grand parcours poétique de l'âme, ce moment lyrique pur défini par Malher lui-même, la profondeur poignante de Ich bin der Welt abhanden gekommen et Um Mitternacht. Avec respect, admiration et talent pour cette belle et lumineuse interprète, Chung et le Philharmonique de Radio-France ont su entourer d'une enveloppe orchestrale subtile et délicate qui a permis à cette immense chanteuse de faire passer avec génie et finesse toute la profondeur des sentiments qui habitent le poète et le compositeur. Beauté des cordes, délicatesse des vents et des bois, perfection des silences, jeu des ombres palpitant pour un mouvement de sentiments bouleversant et fascinant offert par cette merveilleuse interprète qui a conclu par Liebst du um Schönheit, lumineuse déclaration d'amour musicale de Malher à sa femme Alma créé en 1907 à Vienne ;

Il est vrai que Waltraud Meier vit la musique avec intensité. Son nom est associé au personnage de Kundry dans « Parsifal » qu'elle chante en 1983 au festival de Bayreuth et qui la révèle au monde entier. Perfectionniste, elle a l'art d'allier le texte et la musique avec un sens surprenant de l'improvisation. Son talent l'a presque élevée au rang de légende. La clarté et l'équilibre de sa voix, la beauté de son timbre, sa tessiture, lui permettent aujourd'hui de chanter des rôles de soprano comme Isolde de « Tristan et Isolde » qu'elle maîtrise à la perfection, Leonore de « Fidelio », Ortrud de « Lohengrin », Sieglinde de « La Walkyrie » ou encore Amneris d' « Aïda ». D'une représentation à l'autre, elle fait tout pour gagner en profondeur et en sensibilité, approfondissant sans cesse ses interprétations.

Ce concert magnifique s'est achevé avec le Don Quichotte de , poème symphonique dont la composition fut initiée à Florence en 1896 et créé le 8 mars 1898 à Cologne sous la direction de Franz Wüllner. Strauss a dirigé l'oeuvre le 18 mars de la même année à Cologne. L'année suivante, il ajoute au titre la dénomination « variations libres et folles sur un thème chevaleresque » et le combat héroïque d' « Une Vie de héros ». Cette œuvre fut l'un des très grands chevaux de bataille de Rostropovitch, qui l'a d'ailleurs enregistrée avec Karajan pour le compte d'EMI.

Plus qu'une illustration du texte de Cervantès, c'est une méditation sur le destin tragique de son « Chevalier à la triste figure » écrite au moyen d'une orchestration éblouissante, virtuose, menée avec vivacité, folie, amour et gravité. Don Quichotte est symbolisé par le violoncelle solo et Sancho Pança par l'alto solo, les 2 tubas ténor et la clarinette basse. La luxuriance de l'orchestration dans l'enchaînement des variations, la dimension humaine de l'œuvre, son panache ont été parfaitement rendues par l'orchestre et ses deux premiers solistes au violoncelle solo et Jean-Baptiste Brunier à alto solo. Aidés par un orchestre généreux qui a su faire vibrer la foisonnante expression musicale et théâtrale straussienne dans une perfection formelle qu'il convient ici de saluer, ces deux solistes de talent, ont chanté l'amour, l'espérance, le combat, la folie et le rêve don quichottesque. Tout au long de cette riche soirée musicale, le public a été ébloui et conquis, à très juste titre.

(c) credit photographique : DR

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