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Académie internationale de Musique Maurice Ravel : une audace renouvelée

Sous le soleil encore chaud de la Côte basque, naît tous les ans en septembre une rare alchimie : l'Académie Ravel réunit une cinquantaine de jeunes virtuoses issus des classes de perfectionnement des conservatoires supérieurs ou de leurs équivalents étrangers du Canada, du Japon, d'Allemagne ou encore de Russie, autour d'une dizaine de maîtres et accompagnateurs. Sous la direction attentive de Peter Csaba et plus que bienveillante de Philippe Biros, deux semaines d'un intense travail les amènent à découvrir, travailler, approfondir la musique française en particulier et du XXe siècle en général. Ce pourrait être un stage de plus. Non, l'Académie est unique ; par son objectif d'abord et par la magie des liens immédiats et forts qui se créent entre la ville qui les accueille et les « académiciens ». Grâce aux nombreux bénévoles qui la tiennent à bout de bras, aux professeurs et aux étudiants, l'Académie est l'affaire de toute une ville qui, le temps d'une quinzaine, et pendant que s'y déroule le festival Musique en Côte basque, se met à l'heure de la musique et des musiciens. On les connaît par leur prénom, on saisit l'angoisse de celui qui ne connaît un mot de Français, on reconnaît la jeune Japonaise, vous savez, celle qui a une si jolie voix, ou le grand, là-bas : oh ! qu'il a bien joué cette curieuse sonate de Ligeti hier, avec Bruno (Pasquier) !

L'Académie est une croisière : on monte dans le navire le premier jour pour ne le quitter qu'à l'arrivée. C'est un club d'acharnés qui vient tous les après-midi assister à des cours publics. D'une centaine en basses eaux à près de quatre cents pour un cours magistral tels ceux de qui, non seulement fait progresser à vue d'œil ses jeunes protégés, mais conquiert de son humour un parterre enchanté. Ils ne manqueraient pour rien au monde de voir et entendre travailler les Préludes de Messiæn, les très nombreux Ravel, Chausson, Debussy, Roussel ou Milhaud sans parler des Illuminations de Britten, même si l'on sent bien qu'un Schumann vient à point détendre les oreilles attentives. En soirée, ce sont les concerts : choisit les programmes les plus pointus que, ravi, le public découvre. Professeurs et stagiaires s'y côtoient sur scène comme dans le public, rayonne tandis que Christoph Henkel, nouvel arrivé cette année, est encore un peu en retrait : il rencontre, découvre, savoure. Et l'on se retrouve sur les bancs de l'église en un club un peu fermé où le non initié entré juste pour un concert se sentira peut-être un peu trop spectateur parmi tous ces « participants » qui tous se connaissent, commentent, protègent et projètent. Car tous s'adonnent au jeu du pronostic : il y a un enjeu, peut-être plus pour le public qui s'y amuse que pour les stagiaires eux-mêmes. En effet, l'Académie, en fin de session et au cours d'une immuable et solennelle cérémonie en mairie de Saint-Jean, attribue le prix « Académie Ravel » : quelques centaines d'Euros qu'emportera l'heureux bénéficiaire ou que se partageront les membres d'un ensemble constitué. Mais point de concours à l'Académie. Et encore moins d'esprit de concours. L'on n'est pas venu pour cela. Le prix, c'est une petite cerise sur un énorme gâteau que l'on a mis deux semaines à partager avec appétit et gourmandise. De toute manière, on repartira avec l'essentiel : ces jours-là auront certes laissé les heureuses traces de rencontres inattendues et fertiles ; Mais ils auront surtout marqué pour longtemps de jeunes talents, les auront aidés dans leur progression vers leur idéal, les auront guidés sur les premiers pas d'un professionnalisme dont nous savons ce qu'il peut engendrer de difficultés comme de bonheurs intenses.

Crédit phoyographique :© DR. O. Vainstein, stagiaire de St Petersbourg dont la venue à St-Jean-de-Luz est due à un groupe de mécènes amis de l'Académie et de la Russie

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