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Diamant à l’état pur par Inger Södergren

Pièces maîtresses et centrales de cet enregistrement, la Fantaisie K475 et la Sonate K457 en Ut mineur sont un pur diamant que nous livre entre les Sonates K332 et 570. Disons-le tout de suite pour ne plus y revenir : nous demeurons étonné du manque de netteté des trilles, grupettos ou autres motifs de doubles croches ; si cela ne nuit pas à la conception générale d'une oeuvre, le premier mouvement de la Sonate en Fa mineur pêche par ce défaut récurrent. Mystère…

La Fantaisie et la Sonate en ut mineur sont un sommet de l'écriture pour piano de Mozart. Et c'est bien vers les sommets que nous guide  : l'on est immédiatement pris par l'intensité dramatique de la Fantaisie. Ses vastes proportions empêchent de la décrire comme une simple introduction à la Sonate. donne une rare cohérence à l'ensemble. La pianiste embrasse l'œuvre tout entière. Son jeu est limpide et fluide, le discours cohérent d'un bout à l'autre et ce malgré la multiplicité des motifs thématiques de la Fantaisie. Fantaisie qu'elle traite comme telle, s'y accordant une très grande liberté tant dans les oppositions dynamiques que les variations de tempos, mais sans jamais tomber dans un maniérisme de mauvais aloi. Toutes les ressources du piano moderne sont ici utilisées, en particulier les basses : Madame Södergren a l'octave de main gauche superbe, énergique, majestueuse. S'il est une page où Mozart se livre, c'est bien celle-ci. Et Inger Södergren nous livre Mozart (et se livre ?) sans artefact, naturellement, superbement. Si bien que quand est attaqué le thème de la Sonate, il nous apparaît comme évident, la suite logique et inévitable de la Fantaisie. Mais ici Mozart reprend le chemin de la forme bi thématique à cela près que ses thèmes sont d'une rare intensité sans vraiment s'opposer. Jamais pourtant n'avons-nous quelque sentiment de monotonie. Le second mouvement est une longue confidence à laquelle la pianiste se laisse aller sans jamais se départir d'une certaine distance. Chaque note y est pensée, le son est beau, le toucher parfait. L'attaque du Rondo est allègre et vive ; mais pour mieux et brutalement s'interrompre. L'écriture semble hachée : la pianiste donne à l'ensemble un liant faisant de ces coupures et de ces silences le thème même du mouvement où l'on revient toujours malgré les velléités d'escapade. La liberté d'Inger Sögerden s'y fait encore plus évidente : loin d'être prisonnière d'un texte, elle en extirpe tous les secrets qu'elle nous livre comme en confidence.

Comme pour soulager l'auditeur de cette tension, Inger Södergren a fait précéder et suivre les Ut mineur des sonates en Fa majeur et Sib majeur. Point de surprise ici, Mozart en majesté mais plus conventionnel. Et bien que ces deux oeuvres laissent moins de place à l'invention de l'artiste, Inger Södergren en fait deux éclats de brillant dont la finesse rehausse l'éclat du bijou.

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