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Nocturnes de Chopin par Pascal Amoyel : pourquoi?

En ouvrant le coffret, nous nous demandons : « pourquoi ? ». Pourquoi donc le Château de Chambord photographié et commenté, plutôt que la présentation des œuvres, par exemple ? Quel rapport avec Amoyel ? Quel rapport avec Chopin ? Avec des nocturnes ? Sympathique, certes, mais étonnant. Enfin : c'est un détail. Nous apprendrons par la suite que là fut enregistré le disque. Ce doit être ça, la communication.

Dès la Berceuse op. 57, livrée en ouverture de cette intégrale, dévoile un superbe son de piano. Un tel équilibre dans tous les registres est rare. Le toucher du pianiste n'y est pas pour rien : le dosage du son est superbe, les arpèges brisées de main gauche sont d'une régularité impressionnante, le chant de main droite se développe très naturellement, se détache, semblant parfois même trop autonome, le legato est superbe, l'usage de la pédale est savant. Peu de choses à lui contester. Certains n'aimeront probablement pas les décalages trop systématiques ni le rubato. Celui-ci, bien dosé, ne tombe jamais dans le mauvais goût ; il est exactement ce qu'il faut à ces pièces sans lequel elles ne seraient ce qu'elle sont : romantiques à souhait. L'ensemble, Berceuse et Nocturnes, est d'une très grande homogénéité, d'une grande linéarité : déroule sous nos oreilles une épaisse moquette de laine tendre et unie, de la première à la dernière note, sans surprise.

Il est vrai que ces pages ne sont pas propices à de fulgurantes démonstrations de virtuosité ou d'emportements telluriques ; rares sont les moments de cassure rythmique, d'oppositions dynamiques, de lyrisme. Ce sont bien des nocturnes. Ces pièces sont-elles propices à une grande inventivité ? Non, certes. ne le cherche pas, non plus. Car de ce timbre, de sa sonorité chatoyante, il ne cherche pas à se départir. Mais même dans les quelques mesures, oh ! pas nombreuses, où l'artiste pourrait contraster son jeu (con forza, con fuoco, ff voire fff), il demeure dans un registre qui ne dépasse pas le mf au mieux le f. L'ennui, ici, naquit-il de l'uniformité ? Il traite toutes les pièces de la même manière, sans chercher à exploiter davantage celles qui sortent du lot. Pourtant, dans son propos liminaire, il nous confie :« Pour l'ordre d'interprétation, je n'en ai pour l'instant aucune idée. Il sera certainement celui des climats et non d'une chronologie ». L'alléchant apéritif suscite immédiatement l'intérêt, la curiosité : « tiens, que va-t-il en faire ? ». Mais, las… Que reste-t-il de cette louable intention ? In fine, le respect de la stricte chronologie signifie-t-il une impossibilité à différencier les climats ? La trop grande difficulté à leur trouver une autre logique ? Comment conférer une unité, même artificielle, à cet ensemble de pièces tellement inégales, tellement disparates ? Pascal Amoyel a montré qu'il était un excellent pianiste, un artiste accompli. Nous n'aurons pas la prétention ce remettre cela en doute, bien entendu. Mais une telle intégrale est-elle bien nécessaire ?

En fermant le coffret, nous nous demandons à nouveau : « pourquoi ? ».

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