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J. S. Bach : Sei suonate à Cembalo certato è violino solo

Comme le rappelle dans le très beau texte qui accompagne cette non moins belle production Alpha, le violon faisait plus que simplement partie intégrante des compétences musicales de .

Si l'on en croit les témoignages historiques, Bach aurait abordé la musique d'abord par le violon, et non au travers des seuls instruments à clavier. Plusieurs faits viennent étayer cette thèse. Son père Johann Ambrosius, directeur de la musique à Eisenach, était violoniste et altiste. En outre, Jean-Sébastien Bach commença à gagner sa vie comme violoniste dans l'orchestre de la cour du duc Johann Ernst de Weimar (1703). Il enseigna par ailleurs scrupuleusement l'art du violon à ses fils. Un autre élément permet d'attester de la force des liens qui le reliaient aux instruments à cordes : Bach fut l'ami de plusieurs violonistes émérites de son temps, dont Johann Georg Pisendel, dédicataire de nombreuses œuvres signées Vivaldi ou Albinoni. Toujours d'après , les Six sonates pour violon et clavecin BWV 1014 à BWV 1018 seraient elles aussi dédiées à Pisendel. A l'instar de la majeure partie de sa musique de chambre et d'ensemble, ces sonates sembleraient avoir été écrites alors que le compositeur était au service du prince électeur Leopold d'Anhalt-Cœthen (entre 1717 et 1723), période féconde au cours de laquelle il lui a été loisible de pratiquer au quotidien les instruments à cordes. Il faut rappeler que le manuscrit autographe des six sonates en question a disparu. Ses opus ne nous sont parvenus que sous forme de copies, au nombre de trois et dont une est due à son gendre Johann Christoph Altnickol. Il s'agit en l'occurrence de la copie qui fait foi actuellement et sur laquelle s'est fondé la première édition imprimée à Zurich en 1802 par les soins de la maison Nägeli.

Par l'esprit, ces œuvres procèdent autant de l'esthétique germanique (rigueur contrapuntique, style fugué) que d'une certaine italianité portée par un cantabile et une structure en quatre mouvements alternés lent/vif/lent/vif selon le modèle de la sonate da chiesa (cinq premières sonates). La sixième sonate de ce cycle (si tant est que l'on puisse parler d'un cycle ou d'un recueil) rompt avec ce canevas puisqu'elle est en cinq mouvements et rejoint la catégorie des sonates da camera.

et dialoguent avec une extrême qualité d'écoute mutuelle dans ces pages exigeantes. Le violoniste manie un instrument baroque (un Giovanni Battista Guadagnini, Milan, 1751) aux sonorités amples et toujours rondes sous son archet qui sait se faire intérieur, méditatif dans les mouvements lents tout en y nourrissant des tenues qui ne sont jamais horizontales, mais au contraire légèrement «bombées» par un léger jeu sur la dynamique qui concourt à la qualité de l'articulation générale. Lorsque l'agogique se fait plus véloce, il ne durcit nullement le trait, mais continue, sans fard ni démonstrativité véhémente, à œuvrer de son archet virtuose pour venir à bout techniquement comme artistiquement des attentes contenues dans l'écriture, exigeante, de Jean-Sébastien Bach.

, qui avait fait ses débuts discographique en 2000 avec un disque Bach paru alors chez Harmonia Mundi, confirme l'excellente tenue de ses précédents enregistrements pour alpha. Elle y joue un clavecin aéré, lumineux en parfaite concordance de ton et de style avec le jeu de son partenaire.

Ce coffret est en passe de devenir un incontournable pour les amoureux de la musique de chambre de Bach interprétée sur instruments d'époque.

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