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Filomena Moretti

Du violoncelle, du violon, du luth, de la flûte…

Si vous achetez ce disque, un conseil : surtout jetez vite le livret sans le lire. Sinon vous aurez jeté le disque avant d'avoir terminé la lecture, ce qui serait franchement dommage! On fait ou on ne fait pas. Point. Mais on ne commence pas par s'excuser ou se justifier de faire! Trois pénibles pages intitulées Musicologie (Morbleu, nous sommes simples en Italie!) tentent laborieusement d'expliquer que ces pièces sont transposées à la guitare après avoir été transcrites pour le luth après avoir changé de tonalité, peuvent être jouées à la flûte après avoir été etc. etc. Tantôt une pièce est en Sol pour violoncelle, plus loin est dite en La pour luth alors qu'elle est, encore ailleurs, en Sol pour le luth et que, in fine, on écoute de la guitare… On n'y comprend rien : c'est un embrouillamini indescriptible! Pour couronner le tout, la traduction est moins que correcte, le mot «accordage» étant un barbarisme d'autant plus inutile qu'accord est suffisamment ancien qu'on n'ait besoin de lui donner inutilement de l'age. Ah, si! On apprend que la Cinquième Suite pour violoncelle fait partie de pages où «il y a une prédilection pour la galanterie même si l'esprit de Bach y est toujours au premier plan». Ah!… Voilà de la musicologie à faire sécher l'encre dans les stylos !

…et enfin de la guitare

Mademoiselle Moretti a bien raison d'oser un répertoire qui lui convient parfaitement sans s'occuper de ce que l'on écrit ailleurs. Elle l'aborde avec liberté et fraîcheur. Mais on sent une solide réflexion sur la polyphonie et ses pièges. L'exercice est difficile. D'autres s'y sont essayé avec beaucoup moins de bonheur. Si certains avaient encore quelque prévention contre ce genre de transcription, Mademoiselle Moretti leur montre qu'il ne faut pas s'attacher à des principes prétendus immuables. Une solide connaissance des ressources de l'instrument mise au service du style et de la compréhension du texte ouvre des voies inattendues, inouïes. On est saisi par l'intelligence de l'interprétation, ses nuances tout en délicatesse, ses contrastes saisissants. dévoile une polyphonie d'une belle luminosité ; le contrepoint est clair les lignes mélodiques précises, on les sent soutenus par une technique sans faille, évitant en particulier tous les pièges d'attaque du son, présentés par nombre de ses confrères comme inévitables. Cela étant dit, est avant tout une musicienne accomplie. Elle fait chanter sa guitare, lui insuffle une dynamique à laquelle nos oreilles sont assez peu habituées. La justesse serait parfaite si, l'enregistrement étant une prise de concert, l'instrument ne bougeait au fil de certaines pièces : s'il était repris avant gravure, ces légers défauts de direct disparaîtraient. Le risque est pris par l'artiste et par son éditeur Transart qui ne trichent pas. Ils l'assument jusqu'au bout. C'est à remarquer car de plus en plus rare, et à louer : la musique est vivante. Bach supporte et mérite cette audace.

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