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René Koering, la sortie du Prince

Présences 2005

Consacré à , le cru 2005 de Présences s'ouvrait sur une œuvre en création française de ce « poulain » de Pierre Boulez, Rocks under the Water. Pièce de circonstance écrite pour l'inauguration du Peter B. Lewis Building de Cleveland (ville où Dalbavie fut « compositeur en résidence »), ouvrage conçu par l'architecte Franck Gehry, Rocks under the Water était prévu à l'origine pour différents groupes instrumentaux répartis en différents lieux de l'édifice ainsi « mis en musique ». Une version plus « traditionnelle », de concert, en a été rapidement tirée. De longues nappes sonores semblent s'étirer sans fin, interrompues de temps à autres par de brusques réveils de tout l'orchestre… Un cliché de la création contemporaine plus d'une fois ressassé. La partition suivante du québécois Jean Lesage, au-delà de rester dans un discours compassé ou réactif, est radicalement néo-classique. Ses Mécanismes multiples de l'Ivresse et de la Nostalgie sont un vaste patchwork d'idées musicales indépendantes qui s'entrechoquent, se remémorant les ombres de Stravinsky, Hindemith ou Charles Ives. Au bout du compte, une musique quasi « hollywoodienne », bien bavarde pour ne pas dire grand-chose, malgré une orchestration remarquable servie par un Orchestre National de Montpellier en grande forme.

, à peine parti de la « Maison Ronde » dans laquelle il fut tour à tour directeur de France-Musique (sans S à l'époque) puis directeur de la Musique, a réservé le meilleur de sa création pour sa sortie. Hier, Aujourd'hui et Demain, vaste partition protéiforme où se bousculent, s'alternent pour échanger et dialoguer les sons synthétiques de « remix » électroniques et ceux, acoustiques, d'un vocaliste, d'un piano et d'un orchestre, est un vaste océan sonore en constante ébullition. Kœring renoue avec l'idée post-soixante-huitarde de l'» œuvre ouverte », mais en lui apportant l'idée contemporaine de création collective et de fusion – le compositeur se refusant d'être le seul concepteur, mettant en valeur ainsi les deux DJ Manu le Malin et Torgull. Les sons électroniques, loin de s'affronter à l'orchestre, trouvent en celui-ci un partenaire de jeu plus que de lutte, en une série de variations où chacun se réapproprie le matériau musical de l'autre. Kœring semble parfois se prendre pour Luciano Berio par l'usage de collages intempestifs – telle cette réminiscence de la Symphonie n°5 de Beethoven – le rendu final de cette œuvre imposante reste remarquable d'homogénéité et de créativité. Un exemple d'» entente cordiale musicale » pour le meilleur, superbement interprétée par l'ensemble des artistes présents ce soir. Espérons que le successeur de Kœring à la tête de la Direction de la Musique de Radio-France, Jacques Taddei, fasse preuve d'une telle curiosité et d'une telle ouverture d'esprit. Les montpelliérains – Kœring reste « surintendant » musical de sa ville d'adoption – pourront encore savourer longtemps leur chance.

Crédit photographique :© DR

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