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Raphaël Wallfisch et les concertos de Boccherini

Le musicologue anglais Charles Burney écrit, en 1789, que « le style [de Boccherini] est à la fois audacieux, maîtrisé et élégant. » Et il place le musicien « à un rang élevé parmi les plus grands maîtres qui aient jamais composé pour le violon ou le violoncelle. » Balayé par la vague romantique du XIXe siècle, (1743-1805) dont on a longtemps réduit (ô combien !) l'œuvre au seul – fameux – quintette opus 13 n°5, connaît, depuis une vingtaine d'années, un regain de faveur, un succès populaire qui ne cesse de croître, en même temps que celui de l'instrument dont lui-même jouait en virtuose : le violoncelle. Il faut reconnaître que ces concertos allient avec bonheur une technique instrumentale motivante pour l'interprète et une richesse mélodique particulièrement séduisante pour l'auditeur.

Il s'agit là du troisième – et dernier – volet d'une intégrale réalisée par le violoncelliste avec le Northern Chamber Orchestra et Nicholas Ward. Si les versions isolées ne manquent pas, regroupant le plus souvent deux ou trois de ces concerti avec des couplages divers : Fournier, Lodéon, Ch. Coin, Bylsma, Maisky…où le meilleur équilibre (soliste / orchestre) nous semble être réalisé par Christophe Coin / Ensemble baroque de Limoges (pour les G. 476 et G. 482), la discographie nous offre peu d'intégrales : Du Pré / Barenboïm, Geringas, Berger, si bien que celle-ci mérite toute notre attention.

Le G. 482, en si bémol majeur, passage obligé pour tout violoncelliste engagé dans la carrière, cheval de bataille des études et des auditions publiques, est à Boccherini ce que le concerto en ré est à Haydn : le plus célèbre et populaire, le favori des concerts et enregistrements (encore que, pour ce qui est de Haydn, le concerto en ut majeur récemment exhumé soit en passe de concurrencer sérieusement le « favori »). Cette préférence nettement marquée pour ce G. 482 est telle que le mélomane peut être enclin à penser que c'est là le seul concerto jamais composé par l'hispanisant maître italien (et cependant jamais édité du vivant du compositeur). Sans nous attarder sur les raisons qui ont pu assurer le succès de cette composition, rappelons simplement qu'il s'agit là d'un arrangement du violoncelliste – pédagogue – éditeur Grützmacher, réalisé vers 1900, dans un premier temps en version violoncelle / piano puis violoncelle et orchestre. La notice d'accompagnement du présent enregistrement, fort succincte (et dans les seules langues : anglais et allemand) ne nous renseignant en rien sur les options de cadences, par exemple, on est en droit de se demander pourquoi ne joue pas ici la cadence Grützmacher (choix le plus communément répandu chez les solistes) de même que, dans le G. 483 il ne joue pas la cadence Boccherini… Par ailleurs, l'accompagnement orchestral ne déborde ni d'imagination ni de finesse ; d'autant que la direction de Nicholas Ward (déjà suspecté d'avoir quelque peu « plombé » certaines symphonies de Haydn, chez le même éditeur) a une fâcheuse tendance à alourdir l'allant des tempi rapides (Allegro initial des G. 482 et G. 483). Cela dit, confirme ici des qualités déjà révélées : technique et justesse irréprochables, mais un style qui dissimule imparfaitement l'effort pour échapper à la tentation romantique. Son violoncelle, au son ample et généreux, bien chantant dans le tempo large ne fait cependant pas oublier le Stradivarius de Julius Berger, hérité de…Boccherini, et aux aigus souverains. Mais au jeu des comparaisons, sans doute serait-il honnête de préciser que l'intégrale Berger ne bénéficie pas d'une prise de son superlative, qu'elle pâtit d'un orchestre peut-être moins recommandable que celui-ci et surtout…qu'elle n'est plus disponible en France.

Au final, un disque agréable, sans rédhibitoires faiblesses ; mais on attend toujours l'intégrale de référence…

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