Après ses relectures radicales de Giselle, le Lac des Cygnes ou La Belle au bois dormant, l'iconoclaste Mats Ek avait reçu la commande d'une création originale pour l'Opéra de Paris. C'est ainsi qu'est né Appartement. Inspiré de situations de la vie contemporaine, Appartement se présente comme une succession de saynètes mettant en scène successivement un bidet, un canapé, un passage piéton, une cuisinière, un aspirateur. Car, comme le chorégraphe l'explique dans l'entretien donné en bonus, l'idée lui est d'abord venue de confronter des objets quotidiens, invisibles à force à force d'habitude, à son inspiration chorégraphique. Tour à tour comiques, tendres ou terribles, ces séquences différentes montrent une vision aiguë du ridicule du quotidien, où l'humour est partout présent mais glisse parfois in-extremis dans le tragique (La Cuisine). Très réussie dans l'ensemble, la charge ne fait cependant pas mouche à tous les coups et les moments magiques ou étonnants cèdent la place parfois à quelques longueurs, comme un Duo des Embryons assez déconcertant.
Mélangeant les styles – danse classique détournée de ses conventions, danse folklorique (très drôle gigue écossaise des passeuses d'aspirateur), danse des rues – le chorégraphe est à son meilleur dans les duos, absolument magnifiques et parfois très émouvants (magnifique Grand pas de deux). Il faut dire que cette danse très physique et énergique, dénuée de pose, trouve des interprètes d'un dynamisme étonnants avec les membres du ballet de l'Opéra, manifestement ravis de sortir ainsi des sentiers battus.
Même si vous n'avez pas succombé aux grands classiques revus et corrigés par Mats Ek, simplement si vous aimez la danse et êtes curieux de découvrir l'un des maîtres du ballet contemporain magnifiquement servi par des danseurs parmi les meilleurs actuels et bien filmé, ce DVD vous intéressera sûrement. Mais, tout de même, deux bémols importants : la durée d'abord, bien courte pour un DVD, 50 minutes de ballet suivies de 13 minutes d'entretiens pas tous éclairants avec le chorégraphe et les danseurs ; la musique, ensuite, soupe variétoche à prétention intellectuelle d'une indigence agressive. On aurait aimé que l'exigence du chorégraphe rencontre un compositeur contemporain de talent…
Malgré cela, très recommandé tout de même.