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L’autre Barbier, de Giovanni Paisiello

Après une première partie de saison faisant la part belle à Monteverdi (Vespro della Beata Vergine, Combatimento di Tancredi e Clorinda, Orfeo), l'Atelier Lyrique de Tourcoing se lance dans une intéressante confrontation Paisiello/Rossini sur le terrain du Barbier de Séville.

La première manche s'est déroulée avec la version Paisiello de ce Barbiere au Théâtre de Tourcoing, la seconde manche est prévue en mai à l'Opéra de Lille où sera montée la célèbre mouture rossinienne des aventures du héros de Beaumarchais.

La distribution, c'est l'habitude à Tourcoing, fait largement appel à des chanteurs fidèles à Jean Claude Malgoire. Il n'est pas étonnant que cet opéra ait été une des grands succès de son temps, il révèle une facilité mélodique évidente et est très bien orchestré. La musique n'a rien à envier à celle de Rossini, et si elle doit s'incliner devant celle de Mozart, autre référence qui vient immédiatement à l'esprit, c'est qu'elle peut sembler être moins raffinée, les développements moins recherchés, la virtuosité plus « gratuite ». Néanmoins, ce Barbier a certainement eu une influence sur Mozart, les finales d'acte notamment sont assez proches de ceux des Noces de Figaro.

Dans le rôle-titre, Pierre Yves Pruvot fait montre de toute sa verve théâtrale et des magnifiques ressources d'une voix riche en harmoniques, au timbre mœlleux et agile dans les vocalises, dommage toutefois qu'il soit parfois un peu à court d'aigus. Pourquoi avoir choisi Jean Delescluses pour interpréter Almaviva? Ce très bon chanteur d'oratorio (il a tenu avec brio une partie de ténor lors des Vêpres mentionnées plus haut), avec sa voix blanche, son timbre sans séduction, ses aigus tendus et son manque d'italianita, n'a pas grand chose à gagner à interpréter les séducteurs méridionaux. Durant toute la soirée, on se demande si on n'est pas en train d'entendre un Basilio des Noces de Figaro plutôt qu'un Almaviva du Barbier. Philippe Georges est Bartolo, timbre fort agréable, diction mordante, mais manque de projection vraiment dommageable, au point qu'on a beaucoup de mal à l'entendre dès que l'orchestre joue un peu fort. Outre un Philippe Rabier impeccable en Basilio, la distribution masculine comprend également Patrick Alliotte-Roux et Jean Noël Poggiali qui se tirent très bien de leurs petits rôles. Face à eux, , seule femme de la distribution, chante avec brio le rôle de Rosine. Le timbre est crémeux, les aigus insolents, elle se joue des difficultés de la partition, est à l'aise sur toute la tessiture (assez étendue d'ailleurs), une vraie prestation trois étoiles! Dans un décor assez nu, et à la symbolique un peu appuyée (une immense cage pour matérialiser l'enfermement de Rosine!), la direction d'acteurs d'Arnaud Décarsin est efficace mais n'évite pas un certain statisme, et la cage se révèle un peu étroite lorsque tous les protagonistes sont sur scène en même temps, ce qui donne une certaine impression de confusion.

A la tête d'une Grande Ecurie en verve, dont on notera cependant un certain manque de corps au niveau des violons, Jean Claude Malgoire, malgré quelques confusions lors des grands ensembles, donne une lecture vivante et colorée de la musique de Paisiello, ce qui ne participe pas peu au succès d'un spectacle qui fut allègrement applaudi par un public nombreux et attentif, et comme à l'habitude composé pour une large part de lycéens.

Crédit photographique : © DR

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