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Jérôme Pernoo, Bach redécouvert

Pendant quinze jours, Grenoble est passionnément consacrée au jazz : le « Grenoble Jazz Festival » remplit du 3 au 19 mars 2005 toutes les salles de concert de l'agglomération. Cela n'empêche pourtant pas quelques excellents concerts classiques de se frayer un passage au milieu de cette effervescence.

C'est ainsi qu'après l'intégrale des sonates pour piano de Beethoven et la soirée Webern, la MC2 de Grenoble nous propose un troisième cycle de concerts, dédiés cette fois aux suites pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach. en interprète l'intégrale en deux soirées : les suites 1, 3 et 5 le mercredi, les suites 2, 4 et 6 le lendemain.

Composées à Köthen entre 1718 et 1723, les Six Suites pour Violoncelle seul de Bach font maintenant partie intégrante du « grand répertoire », ces œuvres que tout le monde connaît, au moins un peu. Le public n'est pas venu ce soir découvrir de nouvelles sonorités, une esthétique différente : il s'est déplacé pour entendre ces œuvres maintes et maintes fois interprétées (particulièrement la première et la cinquième), et dont il a souvent une version idéale en tête.

L'enjeu était donc de taille : il est souvent bien difficile de ne pas décevoir l'auditoire lorsqu'il a des attentes si précises. De plus, la taille de la scène et de la salle présentaient une difficulté supplémentaire pour ce répertoire si intimiste. Mais s'est totalement approprié ces pièces depuis longtemps déjà : en 2000, il les interpréta lors du concert d'ouverture du 50ème festival de Prades, puis collabora avec la chorégraphe Régine Chopinot à un spectacle les mettant en scène. Ce spectacle tourna pendant deux ans en Europe, en Asie et en Amérique latine. Il eut ainsi l'occasion de visiter et revisiter ces joyaux de la musique baroque.

Les Suites pour Violoncelle seul de BACH sont souvent interprétées de façon très austère, dans une esthétique sérieuse, carrée et sans fantaisie que l'on a parfois tendance à attribuer à ce compositeur, oubliant qu'il s'inscrit encore dans la période baroque. le replace dans sont temps et dans son esthétique. Lors de ce concert, il nous donne à entendre, sur un violoncelle baroque, de vraies suites de danses : Il prend de grandes libertés rythmiques dans les pièces lentes (ainsi dans le Prélude de la Première Suite, il prend réellement appui sur chaque son grave, s'accorde le temps de le poser), et nous offre des pièces rapides extrêmement dansantes, légères, rythmées. Chaque morceau est un joyau d'expressivité, chaque changement de caractère est souligné de façon saisissante. On passe sans cesse d'une atmosphère intimiste et douce à un feu d'artifice d'énergie et de joie. Au fil du concert, ce petit violoncelle baroque, seul, sur cette grande scène, remplit toute la pièce. Jérôme Pernoo, son violoncelle et les suites de Bach ne semblent faire plus qu'un : on était venu entendre des œuvres que l'ont connaît par cœur, on écoute avec ravissement des bijoux de musique baroque que l'on redécouvre. Il n'interprète pas seulement ces suites : il les incarne. Et, finalement, nous les fait redécouvrir. Merci.

Credit photographique : © DR

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