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Julia Fischer, Concertos russes

La toute jeune est apparue dernièrement sous la direction de Christoph Eschenbach lors du Festival Brahms au Théâtre Mogador (lire la chronique de notre collaborateur André Delacroix), et son présent enregistrement vient prouver qu'elle est une artiste exceptionnelle. Sous des dehors édulcorés (la crinière blonde de la violoniste, la graphie sensuelle de son nom peuvent évoquer quelque feuilleton télévisuel), la première production de la virtuose traite un programme subtil, loin des grands concertos sur-joués, sans céder à la tentation de préférer le concerto de Tchaïkovski à celui de Glazounov comme représentatif du post-romantisme russe. Au-delà de la netteté de trait, le traitement de la thématique arménienne du concerto de Khatchaturian ne souffre d'aucune rigidité, on pense à David Oïstrakh, dont se réclame.

Le paradoxal premier concerto de Prokofiev, entre constructivisme soviétique et évasions célestes, permet à la prodige allemande de déployer un large panel de sonorités, non par pur hédonisme sonore, mais par volonté de «définir au mieux l'expression», pour reprendre le credo d'Alfred Cortot. Le vibrato généreux du son, le crissement de l'archet sur les cordes, la sécheresse mordante des pizzicati aiguisent les atmosphères et les contrastes. La logique implacable de l'ensemble est à couper le souffle.

Dans un style tout autre, le concerto de Glazounov bénéficie d'une même perfection de lecture et de jeu, sans pour autant se diriger vers la subjectivité du mémorable Jasha Heifetz.

L', sous la baguette de , se fait le partenaire idéal de la soliste, parvenant à user de la totalité de ses moyens sans nuire à la perception du discours.

Etudiante à l'Académie de Musique de Munich où elle travaille avec Ana Chumachenco, est encore épargnée de toute «propagande» médiatique, et les débuts tardifs de sa carrière internationale n'incitent que des propos dithyrambiques. Souhaitons-lui de nous léguer pléthores d'enregistrements de même qualité et de ne pas se perdre dans une démagogie sans cesse menaçante.

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