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Joseph Haydn, Quartet light

Sonates pour flûte et piano. Au vu de l'intitulé du CD, et connaissant bien votre F. J. Haydn, vous avez bondi : comment ça? Quelque opus oublié, exhumé? Que nenni…! Transcriptions, tout simplement ; et pas n'importe quoi : trois transcriptions qui concernent des quatuors de la maturité (1793-1803) parmi les plus joués du maître et publiées de son vivant (entre 1797 et 1803). On ne connaît, semble-t-il, à coup sûr le nom du transcripteur que pour la seule sonate issue de l'opus 77 n°1 (en sol majeur). Il s'agirait d'August-Eberhard Müller, éminent organiste – et compositeur – (qui occupa, un temps les fonctions de cantor à St-Thomas de Leipzig…). Cette transcription figure, nous dit-on, dans son opus 90 sous le titre : « Sonate pour le pianoforte avec accompagnement d'une flûte ou d'un violon, par J. Haydn ». Aucune certitude quant aux deux autres…. Cela dit, la mention « pour clavier avec accompagnement de… » ainsi qu'il était d'usage à l'époque, pourrait laisser penser qu'à la flûte (ou au violon) n'est réservé qu'un rôle subalterne. Or, il n'en est rien tant le traitement de « mise en valeur » de chaque instrument paraît équitable.

Les instruments, à eux seuls, sont un sujet de satisfaction, dans la mesure où la flûte (système Bœhm, en bois) de , au son « rond » et chaleureux, séduit agréablement l'oreille, tant dans la romance (Adagio de l'op. 76 n°6) que dans la volubilité (presto de l'op. 77 n°1, par exemple) et le piano (Erard 1903) d' fait merveille en présence « orchestrale » comme dans les développements virtuoses. Par ailleurs, l'écriture dans ces transcriptions s'avère d'une autre subtilité que l'adaptation basique supposée : la flûte jouant violon 1 et le clavier assumant le reste (encore qu'il semble bien improbable qu'on puisse confier une partie de violoncelle ailleurs qu'à la main gauche du piano et…de fait. )

Alors, quoi? Quartetophiles purs et durs, passez votre chemin? Osons affirmer que ce serait dommage. Cet enregistrement invite à une (re)découverte de ces œuvres (amputées cependant de leurs menuets), nous les livrant sous un éclairage tout à fait différent. Il est évident que le mélomane qui, de longue date, a ces quatuors dans l'oreille, privé de cette alchimie sonore propre aux cordes et qui en fait tout le prix et la singularité, pourra faire la grimace à l'écoute de ces transcriptions. Qu'il sache toutefois que ces quatuors chers à son cœur, ainsi « dégraissés », « allégés » ne sont pas pour autant sans saveur ; et ce, grâce en particulier au talent manifeste de nos deux interprètes, de bout en bout d'une fort belle musicalité et infiniment respectueuses du caractère, de l'esprit de cette musique, laquelle, ainsi que l'écrit Richard Millet dans son remarquable essai Musique Secrète (chez Gallimard, printemps 2004), « vous entraîne dans le secret d'une pureté, d'une transparence, d'une profondeur, d'une allégresse qui sont comme le sourire que Franz- poserait sur [vous] ».

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