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Porpora/Pergolesi : vertiges galants de la ferveur napolitaine

Porpora / Pergolesi : deux noms qui suffiraient presque à résumer l'essor d'une école musicale promise à un succès irrépressible tout au long du XVIIIe siècle. Si le Seicento (XVIIe siècle) a vu la gloire des Vénitiens, ce sont les Napolitains qui peu à peu imposent leur sensibilité sur les planches des théâtres et dans les églises, à partir de 1725. Et ce partout en Europe. Génies de la dramaturgie, illustrateurs du seria comme du buffa, ils ont aussi embrasé les voûtes sacrées.

En témoigne aussi le programme de ce disque, qui aux côtés du Stabat Mater de Pergolesi, qui est pour la musique religieuse ce que les Quatre Saisons de Vivaldi sont pour l'instrumentale-, dévoile (première mondiale), le Salve Regina de Porpora. On ne saurait trop saluer l'audace du jeune label Eloquentia d'exhumer une œuvre aussi attachante dans un album savamment ouvragé. Si Pergolèse laisse une trace fugace, trop fugitive mais combien indélébile dans le sillon napolitain, Porpora illustre la lignée tenace, cosmopolite d'un talent qui se prolonge sur pratiquement tout le siècle. Entre ces deux musiciens natifs de la même ville, au style très différent, une égale sensibilité les unit : celle de la voix.

D'emblée une évidence frappe l'auditeur : l'incise éloquente des chanteuses. Qu'il s'agisse de Stéphanie d'Oustrac ou de la soprano , l'intensité des timbres éclaire la prière et leur engagement, sous la douleur et la dignité des textes, dévoile la profonde humanité du propos. C'est bien le dolorisme virginal que désire exprimer avec combien de tact et de sensibilité, chaque interprète. Sans jamais appuyer ni divaguer dans les ornements, les deux ferventes savent tirer le meilleur parti des deux écritures qui regardent beaucoup du côté de la ciselure galante. Le Stabat Mater que Pergolesi nous a laissé, remonte à sa dernière période soit vers 1736 ; son contexte de composition reste encore mystérieux, marqué par la mort de l'auteur. Porpora quant à lui, incarne le triomphe du style rocaille, à Naples, à Venise, à Dresde et même à Londres où il inquiètera Haendel. Il meurt juste avant l'éclosion du retour à l'orthodoxie néo-classique prônée par Gluck et avant l'avènement du premier Mozart. Nous voici donc au cœur de l'esthétique précieuse, absolument vocale.

et « sa troupe » dont on connaît l'intelligence imaginative à rendre les idiomatismes de la Naples baroque, trouve les accents et l'étoffe musicale propres à rompre la monotonie. Que ce programme mordant, mêlant le standard à l'original et l'inconnu, soit conçu et produit par un (tout) jeune label, montre bien si l'on en doutait encore, que la créativité n'est plus le propre des majors.

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