- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Musicke from the Ayre

Triple alliance ? Triple entente ? Tripla Concordia (du nom d'un recueil de musique instrumentale paru à Londres en 1677) se concrétise aujourd'hui par les conditions propres à cet enregistrement : des musiciens italiens jouant une musique anglaise et édités par un label espagnol. Bonjour l'Europe unie ! Au-delà du clin d'œil politique, la réalité artistique : qu'ont donc en commun (et de remarquable) les compositeurs rassemblés ici ? D'abord une propension manifeste à « pratiquer » le Broken Consort (littéralement : concert brisé), désignant un ensemble instrumental composé de familles différentes -essentiellement cordes et vents – en même temps qu'une série de pièces sans nécessaire lien entre elles ; et puis une filiation évidente : (souvent considéré comme le Marin Marais anglais) et qui connut quatre souverains au cours de sa longue carrière, (élève d'Orlando Gibbons) et , l'« Orfeus Britannicus », considéré, lui, comme le Jenkins de son époque et qui, en 1677, succède à M. Locke après le décès de ce dernier, comme compositeur des Violons du Roi.

L'ensemble Tripla Concordia nous propose ici un échantillonnage de musique instrumentale illustrant les formes en usage dans l'Angleterre de la seconde moitié du XVIIe siècle : de la Suite de danses (incluant Airs et Fantaisies – Fancy -) au Ground (variations sur une basse contrainte) en passant par la Sonate en trio d'influence italienne.

Locke et Jenkins (mais Purcell n'est ni en reste, ni en opposition) faisant référence à  : The Division-Violist en 1659, conseillent aux violistes une alternance entre les parties hautes et basses pour partager le thème et la réponse de la Division (la Division représentant les variations instrumentales). Alternance scrupuleusement appliquée ici, ce qui fait du violoncelle et du clavecin – ou de l'orgue – autre chose qu'un simple continuo.

On nous explique, dans la première partie de la notice, que le terme de Ayre était, au XVIIe siècle synonyme de chanson (ce qu'on admet aisément) et que, par ailleurs, il convient d'en appréhender le sens homonymique : Air, en tant qu'élément cosmogonique « associé au vent et au souffle » et situé entre ciel et terre (sic)…. Difficile d'adhérer à cette thèse pour le moins oiseuse. Plus intéressante, en revanche, se révèle une seconde partie consacrée aux compositeurs et à leur musique (mais les germanistes chercheront vainement la version allemande annoncée cependant au dos du boîtier).

Si la technique des interprètes nous paraît sans faille, les timbres de grande pureté ( flûtes ! omniprésentes…), cette musique « touche » cependant peu, n'émeut guère et l'écoute en continu peut engendrer quelque lassitude. L'intérêt réside essentiellement dans les subtilités d'écriture, l'invention mélodique et rythmique. (On remarquera au passage que la Sarabande à l'anglaise, vive et légère n'a rien à voir avec celle de la Suite française, par exemple, de caractère lent et solennel).

Au final, un disque d'une parfaite réussite technique pour une musique esthétisante qui privilégie la forme mais qui atteint peu l'âme….

N. B. Cantus Records, distribué jusqu'à fin 2004 par M 10 a aujourd'hui rejoint Intégral Classics Distribution.

(Visited 156 times, 1 visits today)