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Renée Fleming : Le jazz et… l’opéra

En fouillant dans la carrière de , on trouve des traces de ses passages dans des clubs de jazz et des studios d'enregistrement de petits labels spécialisés dans cette musique.

N'ayant jamais dédaigné s'exprimer dans le langage de la chanson populaire américaine, si l'occasion s'en présente, elle n'hésite pas à « faire le bœuf » avec les musiciens du coin. Ainsi, il semblerait que quelques séances avec le saxophoniste noir Illinois Jacquet dorment encore dans les archives du studio de radio NWYC de New-York et qu'un album de ces rencontres pourrait bientôt voir le jour.

Depuis longtemps, la soprano américaine rêvait de porter aux micros cet aspect inconnu de sa voix. Trop occupés à s'occuper des intérêts « opéristiques » de la diva, les producteurs se faisaient tirer l'oreille pour s'embarquer dans un projet si peu conforme à l'image de la cantatrice d'opéra. Lasse d'attendre le bon vouloir de ses patrons du disque et comme on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, la diva américaine s'est auto-produite et s'offre aujourd'hui son propre petit bijou.

Un bijou, en effet. Les puristes, les amateurs de voix classiques, ceux pour qui la pureté du timbre vocal passe avant l'expression du mot auront leurs reproches tout prêts pour . Dans l'optique sectaire qui les caractérise, ils lui reprocheront de se commettre dans un répertoire populaire, avec la même virulence déployée à l'encontre d'Andrea Bocelli (encore qu'on lui reproche plus son incursion dans le répertoire lyrique que dans la chanson italienne, simplement parce qu'il s'est fait connaître d'abord dans la chanson!). Pour les autres, pour ceux qui privilégient l'aspect interprétatif de la musique, cet album leur apparaîtra comme une belle réussite.

Accompagnée par les étranges musiques du pianiste de jazz américain Fred Hersch et du guitariste Bill Frisel, la diva américaine se transforme en une superbe chanteuse de standards. Le swing de n'a rien de comparable avec celui des légendaires Billie Holiday ou Ella Fitzgerald. La soprano ne s'étale pas dans les démonstrations spectaculaires de ses dignes consœurs de l'histoire du jazz. Renée Fleming se confine dans la discrétion, favorisant une approche plus intime, plus près de nos oreilles que de nos sens épidermiques. Optant pour une désarmante simplicité expressive en phase avec la tendance actuelle des chanteuses « susurrantes » comme Diana Krall et autres Norah Jones, la diva américaine se love dans l'intimité de ses chansons. Elle y est à l'aise et où elle s'y engouffre de toute son âme. Toutefois, à la différence de ces figures de proue de la musique populaire actuelle, Renée Fleming possède une technique vocale de loin supérieure à ses concurrentes.

Sans jamais surfaire son chant, elle propose une voix beaucoup moins sophistiquée, plus naturelle, que celle qu'on lui connaît chez Händel, Mozart ou Massenet. Allant même jusqu'à l'habiter d'un léger voile, c'est avec « sa » voix de chaque jour que Renée Fleming réussit à nous toucher. Puisant dans son métier de cantatrice qu'elle domine parfaitement, soignant sans exagération la perfection de la diction, le phrasé et le legato, elle conserve aux mélodies leur authenticité populaire, et donne aux paroles une force et une véracité qu'aucun de leurs auteurs ne pourra renier. A preuve, sa chaude et caressante approche de My One and Only Love/This Is Always, son attitude « bluesy » de River, la ballade de Joni Mitchell. Des moments de pur bonheur musical pour tous les amateurs de musiques bien faites.

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