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Jet-flag orchestral

Coup triple pour ce concert : centenaire de la naissance de Jolivet, cinquantenaire de la mort d'Honegger, et une création mondiale de . La programmation, originale, reste peu alléchante pour le grand public : peut-être la raison d'un théâtre peu rempli, dont l'assistance ressemblait plus à une réunion de compositeurs (Edith Canat de Chizy, Marc Monnet, Pierre Thilloy, Philippe Scholler, Felix Ibarrondo, Bruno Ducol, … étaient dans l'assistance). Autant la rareté des œuvres présentées pouvait annoncer ce concert comme un évènement, autant l'interprétation de l'ensemble n'a pas été à la hauteur des espoirs mis.

Les Offrandes oubliées de Messiaen donnent le ton de la soirée : justesse aléatoire, mise en place agogique. L'œuvre en elle-même n'est pas du meilleur Messiaen (œuvre de jeunesse, le futur compositeur de génie cherchait encore ses marques entre Ravel, Dukas et Debussy). Les cordes de l' sonnent aigres dans les vastes mélodies à l'unisson des premiers et troisièmes mouvements. La « bacchanale rythmique » centrale souffre de nombreux décalages. Oublions donc les Offrandes, qui ne sont en aucun cas un cadeau pour un orchestre tant l'exécution avec ses pianissimi suraigus est redoutable.

vit aujourd'hui aux Etats-Unis. Chargé de cours à l'IRCAM de 1981 à 1988, pensionnaire à la Villa Medicis de 1988 à 1990 et à l'abbaye de la Prée de 1994 à 1997, il s'installe ensuite outre-atlantique tout en continuant ses activités de créateur en France (commandes du Ministère de la Culture, de la Cité de la Musique, des Rencontres Musicales de la Prée ou de Musique Nouvelle en Liberté). Son Concerto pour violon créé ce soir, partition aux vastes proportions, se souvient manifestement par son début et son atmosphère de celui « à la mémoire d'un ange » de Berg. D'une écriture virtuose -les traits en double-corde abondent- il est conçu comme une lutte entre le soliste et l'orchestre qui s'échangent à n'en plus finir des idées musicales obsessionnelles, jusqu'à saturation de l'auditeur. L'affrontement devenant lassant et lancinant, le discours change de manière abrupte, pour recommencer le même jeu. Le compositeur lui-même parle de lutte : « mais il s'agit également de la lutte du compositeur avec le matériau sonore. Ce matériau que j'expose, je tords, je frappe, je secoue, je contrarie, j'exaspère, je retourne, j'éclate, je chéris, j'ordonne, je volatilise, je brûle, je congèle, je martèle, je chante. » défend avec ferveur sa partie exigeante de soliste. Il aurait été souhaitable qu' en fasse de même, et songe à l'accompagner de temps à autre. Même chose avec le Concerto pour piano de Jolivet. Si le scandale créé par l'œuvre en 1951 nous fait aujourd'hui sourire, la partition n'est sauvée ce soir que par le jeu tout à la fois viril et souple de . La sauvagerie orchestrale est noyée dans un déluge de décalage et une sonorité terne, qui ne s'éclaire que dans le mouvement final.

Seule la Symphonie n°1 d' semble être à peu près en place, tout en manquant particulièrement de mordant. Lors d'une précédente venue à Paris, l' et le même chef avaient stupéfié l'auditoire dans un programme Xenakis remarquable d'homogénéité. Que s'est-il passé entre-temps?

Crédit photographique : © Alvaro Yanez

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