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In Stile Moderno avec La Salamandre

Claude de Thiard, marquis de Bissy (descendant de Ponthus de Thiard, l'évêque-poète admiré de Du Bellay) et édificateur du splendide château de Pierre de Bresse à la fin du XVIIe siècle, eût grandement goûté le concert donné ce jour dans le beau salon-théâtre-auditorium du château et dans le cadre des Automnales (XIIIe édition). Ce festival est animé conjointement par Dominique Rivière, l'actuel conservateur du château-écomusée et par son dynamique directeur artistique François Tainturier, également directeur de l'ensemble de musique ancienne le Laostic de Bourgogne, lequel produisait le 30 octobre dernier en ce même lieu son talentueux groupe instrumental.

C'est le fils, , fondateur (en 2004) de l'ensemble qui propose aujourd'hui, à un auditoire venu nombreux, un panorama de pièces les plus diverses et particulièrement représentatives du seicento. Cet ensemble, à géométrie variable, est composé de jeunes musiciens passionnés de musique ancienne et qui se sont rencontrés au cours de leurs études au CNSM de Paris, pour la plupart dans la classe de Jean Tubéry, directeur du célèbre ensemble La Fenice.

Toutes les pièces de ce programme concernent des musiciens italiens du tout début XVIIe ou des étrangers venus en Italie à un moment de leur carrière pour s'imprégner des techniques de composition des maîtres italiens ; ainsi , élève d', et qui fut, avant Praetorius l'« importateur » et promoteur en Allemagne du style polychoral vénitien. Plusieurs d'entre eux ne se trouvent pas réunis par hasard puisque , et Ludovico Viadana, par exemple, ont travaillé en étroite collaboration chez les Gonzague de Mantoue, dans l'entourage, entre autres, de Monteverdi et Jachet de Wert dit Jachet de Mantoue.

On saura gré à d'avoir parsemé la prestation de brèves mais pertinentes et éclairantes interventions didactiques qui permettent à un public pas forcément spécialiste de mieux appréhender ces musiques.

L'interprétation? Parlons-en… constitue un groupe plus que prometteur : on s'en est rendu compte déjà en d'autres occasions ; et ce, grâce à des talents individuels affirmés qui permettent une remarquable cohésion dans les pièces d'ensemble. Mais, à l'instar des musiciens d'un orchestre de jazz, tous auront eu l'occasion de se mettre en valeur au fil du programme, ainsi à plusieurs reprises, les cornets de et Kuniko Veno (cette dernière, aux traits étonnamment impassibles, ne trahissant jamais l'effort!) : pureté et éclat (nuancé) des sonorités en même temps qu'une vélocité remarquable (qui culminera aux flûtes dans cette superbe et ébouriffante sonata sopra l'aria di ruggiero de , ou encore, aux cornets en situation d'in riposta, dans cette canzone francese de Viadana, lorsqu'il s'agit d'imposer son jeu au « rival » d'en face!) ; bref, autant de qualités qui témoignent déjà d'une remarquable aisance.

Autres moments forts de ce concert : la pièce de Vestiva i colli, dans un langage ornemental étourdissant de virtuosité pour la dulciane d'Emmanuel Vigneron et une partie de continuo à l'orgue, laquelle (selon Philip Thorby) « n'est pas un simple accompagnement mais l'exacte transcription d'un madrigal à cinq voix de Palestrina ». Paolo Zanzu au clavier donnera encore toute la mesure de son talent dans cette Toccata prima de Frescobaldi jouée au clavecin avec une grande maîtrise : quand rigueur, sensibilité et virtuosité apportent vie et clarté à ces enchaînements redoutables d'épisodes harmoniques verticaux et de passages fugués qui caractérisent la partition.

Nous n'oublierons pas de rendre compte des belles prestations de Sandie Griot au sacqueboute, magnifique instrument (de facture et de sonorité) qu'elle sait rendre docile et plier à la discrétion ou à l'éclat selon les besoins : un savoir-faire teinté occasionnellement d'un brio qui ne nous aura pas échappé.

Rendons enfin justice aux talents multiples de Masahito Kasahara, fin cornettiste, lui aussi, habile et « disert » au théorbe et de surcroît doté d'une fort belle voix de ténor. Une voix qui gagnerait cependant à se démarquer du voisinage instrumental immédiat, pour mieux se faire entendre….

Devant la richesse et l'intérêt d'un tel programme, la qualité des interprétations due au talent de ces jeunes musiciens enthousiastes et engagés, nous ne pouvons qu'espérer d'autres manifestations de à qui l'on souhaite d'ores et déjà bon vent et plein succès.

Le festival des Automnales du château s'achève dimanche 13 novembre avec le Quatuor Manfred qu'on ne présente plus.

Crédit photographique : © DR

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