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L’herbe est parfois plus verte ailleurs.

Le (SOV) nous avait quitté à Bruxelles avec la Symphonie n°1 de Tchaïkovsky, il nous revient quelques jours plus tard à Bruges avec son ouverture fantaisie Roméo et Juliette. Le répertoire est donc le même, mais le changement d'endroit est particulièrement bienvenu, car on troque la boîte à chaussures du Conservatoire de Bruxelles, une salle merveilleuse pour la musique de chambre mais trop étriquée pour le répertoire symphonique, pour l'acoustique flatteuse du Concertgebouw de Bruges, dans laquelle le SOV peut vraiment déployer puissance et raffinement sonores. A la baguette, on retrouve David Angus, qui fut chef principal du SOV pendant plusieurs années, et qui en est chef honoraire depuis la saison passée, belle preuve de l'estime et de la gratitude des musiciens, dans un pays où les orchestres ont souvent tendance à considérer leurs anciens directeurs musicaux comme de douloureux souvenirs à enterrer au plus vite, et à ne surtout plus jamais réinviter.

David Angus mène Roméo et Juliette avec beaucoup de métier, témoignant d'un beau sens des contrastes, et ne reculant pas devant l'effusion un peu débordante des passages les plus sentimentaux. Seul regret : un certain manque de tension dans les épisodes dramatiques, élégants et bien conduits, mais assez timorés et pas vraiment « vécus ». On poursuit dans la même veine romantico-sentimentale avec un Concerto n°1 de Rachmaninov attaqué de manière fort athlétique par un Vitaly Samoshko très inspiré et imaginatif, qui porte cette partition un tout petit peu plus haut que ce qu'elle vaut réellement. Le pianiste russe, vainqueur du Concours Reine Elisabeth en 1999, séduit par son toucher viril et franc, imprimant une force irrépressible à la cadence du premier mouvement, mais capable de produire un son doux et subtil, au service d'une pensée musicale spectaculaire mais sobre et poétique, sans les débordements kitsch et larmoyants qui ont trop souvent cours dans l'interprétation de Rachmaninov. L'accompagnement de l'orchestre est très bon, laissant respirer Samoshko, sans se démonter par les trouvailles nées de son inspiration du moment.

Thomas Beecham, John Barbirolli, Colin Davis, Simon Rattle, Alexander Gibson… les chefs britanniques ont souvent été inspirés par Sibelius. David Angus ne déroge pas à la tradition, donnant une très brillante et intelligente interprétation de la première symphonie et sa juste couleur à la musique de Sibelius. Nous en détaillerons essentiellement le premier mouvement, qui fut une réussite exemplaire : ouvert par un superbe solo de clarinette, le mouvement se poursuit dans une atmosphère orageuse et exaltée, faite de puissance et de lyrisme. L'allure générale est assez retenue, mais cette lenteur apparente est faite d'énergie et de tension, et les rapports entre les tempi sont extrêmement logiques et harmonieux. Les autres mouvements sont à l'avenant : altiers et puissamment enlevés, sauf l'Andante, légèrement moins réussie car son caractère sylvestre est un peu gommé.

L'orchestre se montre très affûté pour ce concert, avec une sonorité générale très homogène (les cuivres, jamais criards, y sont parfaitement insérés), et un pupitre de bois incisif et brillant. Nous avons déjà souligné dans un précédent article la qualité des cors du SOV, elle est encore plus éclatante dans cette acoustique mieux adaptée. Les cordes sont disciplinées et précises, mais elles manquent un peu de chaleur et de personnalité, produisant un son passe-partout et un peu maigre.

Le fait un peu figure d'outsider parmi les orchestres belges, mais le niveau de ses concerts en fait une valeur montante, que le public du nord du pays a raison de suivre avec enthousiasme.

Crédit photographique : © F. Debras

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