- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Elektra à l’heure suisse

Partition tant géniale que démentielle, Elektra de est l'opéra d'un rôle écrasant où se sont illustrées des légendes du chant comme , Birgit Nilson, ou .

En 1990, le Grand théâtre de Genève reprend une production de cet opéra en un acte dans une mise en scène d'Andrei Serban et dans des décors de . Le théâtre helvète offre le rôle titre à la soprano . Illustre wagnérienne, la chanteuse fait son retour dans une scénographie qu'elle a crée en 1986. Véritablement possédée par son rôle, l'artiste se taille un succès public phénoménal. Certes la voix n'est pas aussi souple qu'avant, mais le timbre reste éclatant et l'incarnation du rôle est idéale. Face à elle, la grande en Clytemnestre assure évidement la comparaison. La grande musicienne venait de faire ses débuts dans ce rôle à l'opéra de Marseille en décembre 1989. Servie par son expérience dans cet opéra suite à ses nombreuses incarnations de Chrysothemis (et une seule fois dans le rôle-titre), Rysanek fait merveille avec son timbre âpre et assez rocailleux. Avec classe et style, elle rend intelligible chaque nuance et chaque syllabe. Le reste de la distribution est de la même eau et il faut saluer les prestations de Anne Evans en Chrysothemis et surtout celle de en Oreste. Avec une musicalité parfaite et un timbre cuivré, ce chanteur campe un Oreste désabusé et résigné.

Mais le grand triomphateur de la soirée est . Ce grand chef d'orchestre au talent souvent injustement dénigré réussit la quadrature du cercle. L' n'est certainement pas la phalange la plus aguerrie à ce répertoire allemand, mais l'ancien assistant de Pierre Boulez sait mettre en avant les qualités des musiciens suisses. Tate s'appuie sur la transparence très française des vents, les sonorités un peu vertes de l'orchestre et la souplesse des cordes pour alléger les textures tout en construisant une lecture dramatique et puissamment charpentée de la partition et le tout sans jamais forcer les décibels, ni couvrir les chanteurs. Dans cette optique, le monologue d'Elektra se révèle ainsi un formidable moment d'une tension et d'une progression implacables sans verser dans le pseudo-spectaculaire. Notons également que la prise de son est éclatante et dynamique tandis qu'aucune toux intempestive ne vient perturber l'auditeur. Pour Jones, Rysanek et Tate, ce double album se hisse au sommet de la discographie et c'est assurément l'un des plus beaux disques d'opéra de la saison.

(Visited 383 times, 1 visits today)