- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Quand Jean-Marc Apap rencontre Bach

, altiste familier de l'univers du jazz, voire du rock, interprétant les Suites de Bach (plus couramment jouées au violoncelle), voilà qui est prometteur. Ces œuvres sont, on le sait, des suites de danses. Bien qu'elles n'aient jamais été conçues pour être dansées, elles s'enracinent dans les rythmes de danses de la renaissance et de la période baroque. Depuis quelques années, certains interprètes s'attachent à mettre en valeur l'aspect rythmique, voire chorégraphique qui sous-tend chaque mouvement. Telle est la démarche, affirmée dans le livret, de dans cet enregistrement. Il souligne également la parenté – surprenante – qu'il perçoit entre les Suites de Bach et la musique indienne. Bien que cette analogie puisse étonner et n'aie que peu de réelles justifications musicologiques ou historiques, elle promet une interprétation oscillant entre rythmique interne omniprésente et mysticisme, une interprétation magique.

La réalité de cet enregistrement n'est cependant pas à la hauteur de cette démarche annoncée. Certains mouvements, comme le prélude ou la gigue de la suite n°1 en sol majeur BWV 1007 sont effectivement animés d'un grand sens de la mélodie et d'une rythmique interne à la fois légère et claire. On perçoit nettement les danses, et cela contribue à mettre en valeur toute la subtilité, la richesse et la grâce de ces mouvements. Malheureusement, même si de façon générale les gigues de chaque Suite sont une réussite, brillantes, légères, joyeuses, Jean Marc Apap semble parfois perdre le fil de son discours dans d'autres mouvements comme les Menuets ou les Courantes, et l'on ne sait plus très bien s'il cherche à privilégier la ligne mélodique ou la carrure rythmique, on perd peu à peu cette carrure, et il ne donne finalement à entendre qu'une succession de notes sans réel sens. Cette irrégularité dans l'interprétation suscite une irrégularité de l'intérêt de l'enregistrement. Alors que dans chaque Suite on prend un réel plaisir à entendre certains passages, d'autres deviennent lassant voire ennuyeux … Eviter le sentiment de routine et de flot continu de sons agréables est l'une des difficultés de la musique de Jean-Sébastien Bach, et, malheureusement, n'en vient pas toujours à bout. Bien qu'il parvienne très souvent à souligner d'une façon exceptionnelle le côté vivant, dynamique, l'énergie de cette musique. Dans ces moments-là, les petites imprécisions techniques se font oublier : les notes se bousculent parfois, l'archet s'égare un peu … mais cela est toujours rattrapé, à un moment ou un autre, par un nouveau moment de réelle danse, ou une ligne mélodique extrêmement chantante.

Comme pour compléter ce manque de continuité, Jean-Marc Apap a choisi d'insérer entre chaque Suite un choral de Leipzig, interprété avec le quatuor Terpsychordes. Choix très inhabituel et surprenant. Mais la pâte sonore de ces chorals est extrêmement belle, homogène. On peut être étonné par le manque de mise en valeur de certaines lignes mélodiques, mais ce choix esthétique confère à chacune de ces œuvres un calme et une sérénité très intéressants … et très proches de certaines interprétations vocales.

Voilà donc un enregistrement constitué de surprises musicales, esthétiques et techniques, certaines très bonnes, d'autres, malheureusement un peu moins. On pressent de grands moments de musique, mais tous ne sont pas au rendez-vous.

(Visited 600 times, 1 visits today)