La musique classique en DVD se porte bien. La maniabilité du support suscite de plus en plus de documentaires dont rares sont les exemples médiocres. Comme il est d'usage, Ideale Audience dans sa collection JuxtaPositions nous propose deux films, signés du talentueux réalisateur néerlandais Frank Scheffer (lire aussi Stravinsky-the final chorale, chroniqué par notre consœur Nila Djadavjee et Conducting Mahler, par Christophe Le Gall).
Contrairement à ce qu'indique son titre, Gustav Mahler – Attrazione d'amoren'est pas un documentaire sur Mahler mais sur le travail de Riccardo Chailly avec l'Orchestre Royal du Concertgebouw d'Amsterdam. Son propos est clair : renouer avec l'éclectisme de Willem Mengelberg, qui défendait Jean-Sébastien Bach, Mozart ou Beethoven tout aussi bien que la musique de son temps : Mahler bien sûr dont il fut un proche, mais aussi Stravinsky, Debussy, Bartok ou Rachmaninov. Selon Chailly, cette tradition contemporaine s'est perdue avec les deux chefs suivants (l'Orchestre Royal du Concertgebouw a la particularité de maintenir longtemps en poste ses directeurs musicaux), ce qui est faire un mauvais procès à son prédécesseur Bernard Haitink. Sous ses 29 ans de règne (1959-1988) Henze, Maderna, Nono ou Berio (comme en témoigne le documentaire suivant) ainsi que les compositeurs néerlandais –Andriessen, de Leeuw, … – furent régulièrement joués.
Riccardo Chailly explique comment il a élargi le répertoire de l'orchestre en l'emmenant dans la fosse de l'Opéra d'Amsterdam interpréter Tosca de Puccini ou en imposant la musique de Varèse (dont il en fit une intégrale, 2 CD Decca). Mais le plus passionnant reste l'explication de son approche pour faire aimer cette musique à ses instrumentistes ou son travail de recherche sur Bach et Mahler en entendant les enregistrements de Mengelberg et en les commentant. Quelques extraits de répétitions de la Symphonie n°5 de Mahler viennent agréablement compléter ses propos dans ce qui est un hommage à Chailly pour son départ de l'orchestre en 2004 (Mariss Jansons le remplace depuis).
Luciano Berio – Voyage to Cythera relate la genèse de la célèbre Sinfonia (1968). Berio y explique comment il part du Scherzo de la Symphonie n°2 de Mahler, comment et pourquoi il y intègre divers éléments musicaux issus des œuvres de Schœnberg, Stravinsky, Ravel, Debussy, Stockhausen, Boulez, Berlioz, … Les témoignages de Riccardo Chailly et Riccardo Muti sur Mahler et les explications de Louis Andriessen sur l'enseignement de Berio dont il fut l'assistant complètent ce documentaire où le téléspectateur navigue d'un compositeur à l'autre avant d'aboutir à la Sinfonia.
Encore un chef-d'œuvre. Plutôt deux!