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L’intégrale des Six trios avec piano de Mozart

Nous savons tous que 2006 ne passera pas inaperçu aux yeux et aux oreilles des mélomanes. Le 250e anniversaire de la naissance du maître de Salzbourg réservera-t-il quelque agréable surprise ? Déjà, les pléthoriques rééditions encombrent les bacs des disquaires et, sans donner raison à un certain critique, plutôt récalcitrant à la musique de Mozart – à la musique tout court? – peut-on s’attendre à quelque événement heureux pour nous sortir de la grisaille du déjà vu et entendu. La nouvelle parution du Gryphon Trio pourrait sans doute changer la donne. Deux CD, une intégrale des six Trios avec piano, devraient susciter un vif intérêt chez le mélomane. Car, ce qui ressort du jeu des musiciens, c’est cette limpidité, trop souvent obstruée par le pianoforte, un redéploiement du violon et du violoncelle, dans un dialogue soutenu par le pianiste. Une aristocratie du timbre alliée à une fraîcheur retrouvée, parcourt cette nouvelle intégrale. Mais s’agit-il vraiment stricto sensus d’une intégrale ? Le septième Trio – le catalogue Kœchel en compte effectivement sept – a été complété à partir des papiers retrouvés après la mort du compositeur et publié par sa femme en 1797. Nous retiendrons donc, ces Six trios, fidèles à l’esprit du divin Mozart.

Les Trios pour piano, violon et violoncelle, marquent une étape importante dans l’élaboration de la musique de chambre, moins par la quantité que par la qualité de quelques-uns. Ils s’inscrivent dans la lignée de ceux de Joseph Haydn, sans toutefois rien leur devoir. Partout nous retrouvons la même transparence, du Trio n°1, conçu en 1776 aux trois derniers de 1788. Mais, dès le Trio n°2, en Sol majeur de 1786, une mutation s’est opérée, en l’occurrence, l’évolution d’un langage stylistique plus resserré, une dimension plus dramatique, une autonomie des cordes, absente jusque là, par rapport au piano. Le Gryphon Trio donne toute sa mesure, particulièrement le violoncelle de Roman Borys qui dans l’Andante, semble converser et s’émanciper totalement sur le thème et variations de l’Allegretto.

S’il nous faut choisir, retenons le Trio en Mi majeur (K. 542). Sans-doute cette œuvre est unique dans sa musique de chambre. Celui-ci, que Mozart appelait terzett, préfigure le trio des trois garçons de la Flûte enchantée. Chopin affectionnait particulièrement cette œuvre et l’inscrivit souvent à ses concerts. Le début de l’Allegro, chromatique et contrapuntique évoque le début de la grande Symphonie en mi bémol (K. 543) qu’il écrira quelques jours plus tard. Retenons l’équilibre parfait du premier mouvement, d’une exquise légèreté, un Andante grazioso qui en dehors des contrepoints délicats révèle un univers tout en poésie, une mélancolie sans affectation et enfin dans l’Allegro, le finale plein de fraîcheur et de vivacité.

Le Trio en sol majeur (K. 564), quoique moins parfait structurellement que le précédent, contient tout de même une liberté nouvelle du violoncelle. Celui-ci soutient avec le violon le premier thème, s’impose subrepticement dans le second, le réexpose dans la tonalité principale. On le retrouve partout dans le thème et variations et il s’illustre de façon péremptoire jusqu’à l’Allegretto qui achève le tout par un rondo sur un rythme de sicilienne.

Un disque à découvrir, pour son propre bonheur mais aussi pour l’art du Gryphon Trio qui signe ici un disque à marquer d’une pierre blanche.

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