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Joséphine Baker, triste hommage par Barbara Hendricks

À l'heure des commémorations musicales en tout genre, pourquoi ne pas célébrer celle du 100e anniversaire de la naissance de ? Tiens, comme Dimitri Chostakovitch! Ainsi l'idée de la direction de l' de préparer un concert qui retracerait musicalement l'immense carrière de celle qu'on surnommait « la Princesse d'ébène » se révélait une initiative aussi touchante qu'intéressante. Mais qui pour chanter les succès de  ? Le choix de l'organisateur s'est porté sur . Un choix bien malencontreux. Aujourd'hui, la soprano n'a musicalement plus rien à dire. Un micro en main, elle ondule légèrement sur la scène comme si le swing allait l'habiter. Peine perdue, rien n'émerge plus du talent passé. Que ce soient les standards américains ou les mélodies françaises qui ont fait le succès de , ne fait qu'en chanter les notes, sans âme, et avec d'impressionnantes imprécisions. Il est difficile de ne pas se remémorer les plus grands jazzmen de l'histoire qui se sont succédés sur cette mythique scène du Victoria Hall, superbes ambiances des concerts de Louis Armstrong et autre Lionel Hampton. Ils avaient pourtant souvent le mauvais goût d'être accompagnés de chanteuses relevant plus du cirque que du swing des Billie Holiday ou Ella Fitzgerald, cependant jamais elles n'étaient d'aussi pâles chanteuses que cette qui est au jazz et à la chanson populaire américaine ce que la musique militaire est à la musique (comme dirait –à peu près- Georges Clémenceau)!

Une longue, trop longue soirée pour quelques instants de véritable mémoire. Il aura fallu attendre le second bis pour entendre J'ai deux amours, la chanson pour laquelle chacun se pressait à ce concert. Dans cette mélodie, enfin la voix de la soprano s'identifiait, par l'accent, par le phrasé, à celle de Joséphine Baker. Les autres pièces au programme de cet hommage peinaient à rappeler le souvenir laissé par la perle noire, vedette de la Revue Nègre de 1925 (au sein de laquelle on pouvait remarquer un superbe saxophoniste du nom de Sidney Bechet!). Certes, il ne s'agissait pas d'imiter l'inimitable mais de là à offrir un aussi ennuyeux concert, il y avait de la marge. Barbara Hendricks n'a plus de feu, la passion est éteinte. Si elle n'a jamais été une bête de scène, de sa seule voix, elle savait capter son auditoire. Aujourd'hui, tout cela s'est évanoui. Couvrant sa voix, l'enveloppant d'un voile qui la détimbre, la chanteuse annone les mots des chansons comme s'ils étaient dénués de sens.

De son côté, une phalange de l', vêtus de smokings blancs joue les accompagnateurs (à noter la parfaite expression jazzistique du trompettiste titulaire Dennis Ferry). Sous la direction enjouée mais quelque peu imprécise de , sortant de son sérieux « symphonique », l'OSR se révèle sous un aspect festif inhabituel et plaisant. Visiblement enchantés de cette récréation musicale, les sourires s'échangent entre musiciens et malgré quelques flottements, l'orchestre respire le bonheur de jouer ces musiques, même si les arrangements du chef pour les mélodies du répertoire de Joséphine Baker sont souvent synonymes de guimauve. Dans le pot-pourri musical préparé pour cette soirée, il fallait être très à l'écoute pour reconnaître la célèbre mélodie de Sidney Bechet dans la Fantaisie sur Petite Fleur arrangée par . Et ce ne sera pas la Rhapsodie in Blue de George Gershwin bâclée qui relèvera le ton de ce triste hommage à la grande Joséphine Baker. Elle méritait mieux!

Crédit photographique : © DR

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