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Patricia Kopatchinskaja, autrement beau

SymfonieOrkest Vlaanderen

Nous retrouvons aujourd’hui leSymfonieOrkest Vlaanderen (SOV) à Anvers dans la belle salle du Singel pour un concert que l’orchestre a déjà rodé plusieurs soirées dans les grandes villes de Flandre et à Bruxelles. Cette bonne habitude (chaque programme de cette saison est au moins joué quatre fois) permet à l’orchestre de gagner en cohésion, de rectifier certains détails avec le chef, et le cas échéant, d’améliorer son entente avec le soliste. Le menu de cette matinée débute par deux valses du compositeur allemand Wolgang Rihm, un élève de Stockhausen, qu’on ne s’attend pas vraiment à rencontrer dans le genre guère révolutionnaire qu’est la valse. Les deux pièces sont plaisantes et sensuelles, brillamment orchestrées et très vivantes, avec un je-ne-sais-quoi de Broadway plutôt que de Vienne. On retrouvera cette saison Wolgang Rihm dans son opéra de chambre Jakob Lenz en mars à la Monnaie et en avril à l’Opéra de Paris.

Dans le concerto pour violon de Brahms, nous avions prévu d’entendre Patricia Kopatchinskaja, la violoniste qui monte actuellement, mais elle a dû déclarer forfait à la dernière minute. On a donc appelé Yusuko Horigome, vainqueur du Reine Elisabeth en 1980, qui de Tokyo a dû sauter dans un avion pour avoir tout juste le temps de venir assurer le premier concert de la tournée à Bruges.

Au vu de ces circonstances particulières, (ce concert d’Anvers a lieu seulement trois jours après ce premier concert, et les fatigues du voyage sont encore sensibles), la prestation de la violoniste japonaise est d’un niveau très acceptable. Dans le premier mouvement, son jeu est séduisant, poétique et très fin, mais elle manque un peu de puissance et de présence face à un orchestre rigoureux et précis, qui va jouer tout ce concerto sans vibrato, ce qui est très rare et encore fort surprenant. On peut dire que dans ce mouvement, deux conceptions d’affrontent : celle de Horigome dont le jeu est romantique et chaleureux, et celle du chef Siebens qui fait jouer le SOV droit et clair, relativement sec, sans aucun épanchement expressif. L’adagio est une grande réussite : le chef assouplit un peu son discours, la violoniste est sensible et légère, et on a l’impression d’évoluer dans l’air pur et frais des alpages en été. L’allegro final met la soliste à rude épreuve, elle l’entame crânement, avec robustesse et panache, mais la fatigue se fait sentir en cours de mouvement, la sonorité devient rauque, et le jeu moins précis et léché. L’orchestre ne ménage pas sa peine pour aider la soliste, allégeant les textures et limitant le volume sonore, aidé en cela par sa petite taille : 50 musiciens, ce qui est fidèle à la pratique de Brahms, grand timide, qui avait l’habitude de faire créer certaines de ses œuvres orchestrales par de petits orchestres (Karlsruhe, Detmold, Meiningen) avant de les livrer aux grands centres musicaux d’Europe.

Durant cette saison, le SOV fait preuve d’originalité en ne programmant aucune œuvre de Mozart, mais il ne néglige pas une autre commémoration, celle du cent cinquantième anniversaire de la mort de Schumann, en offrant une large place à ses œuvres. Nous avons déjà entendu son concerto pour violon, le Konzertstück pour quatre cors suivra, et ce dimanche, c’est la symphonie n°4 qui est présentée. En remarque préliminaire, précisons que notre préférence dans les symphonies de Schumann va plutôt à Rafael Kübelik ou à Franz Konwitschny, ce qui fait du Schumann sans vibrato de Siebens un choc difficile à appréhender et à décrire.

C’est peut être dû au manque d’habitude, mais dans l’introduction du premier mouvement de cette symphonie, l’absence de vibrato rend paradoxalement la ligne difficile à suivre et l’orchestre donne l’impression d’être très confus. L’allegro en lui-même, ou plutôt lebhaft puisque Schumann a décidé d’utiliser la terminologie allemande, est étrange mais très intéressant, car on a ici une interprétation un peu sèche, mais très énergique et très vivante, et à la polyphonie aérée. Le rendu sonore est assez bizarre, rustique et un peu pétaradant, avec des cors surtout, qui sont particulièrement mis en avant, mais cette sonorité d’ensemble est, après un temps d’adaptation, très convaincante, et c’est en définitive celle que voulait Schumann. Le mouvement lent, romanze, du fait de son tempo rapide, perd en mystère ce qu’il gagne en transparence et en fluidité, et prend un petit caractère d’allegretto fiévreux très attachant. Le troisième mouvement, scherzo, est celui qui nous convainc le moins : trop rapide, il perd de son ambiance inquiétante, ses déchaînements semblent inoffensifs, et la légèreté de l’orchestre équivaut plus à de la pâleur qu’à un véritable dessein conscient de la part du chef. Le dernier mouvement est finalement le meilleur et le plus exaltant : la lente montée en puissance du langsam est énigmatique et tendue à l’extrême, les appels du cor sont saisissants, et la transition avec le lebhaft qui suit est remarquablement exécutée. Cette partie rapide est un régal, tourbillonnante et bondissante, d’une énergie joyeuse et jubilatoire, à la rythmique fluide et légère, elle se conclut dans une coda éblouissante de précision et de santé.

En conclusion, un excellent concert, qui n’a pas été avare de surprises et de nouveautés, et qui en ce qui concerne Schumann, nous fait espérer d’autres symphonies le plus tôt possible.

Crédit photographique : © DR

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