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Isabelle Oehmichen joue Frédéric Chopin

Le romantisme est sans doute en musique le moment où le doute, la douceur et la force d'expression de l'amour sont le plus exacerbées. Pendant longtemps, a été considéré comme le représentant d'un style tourmenté. Pourtant, il n'en est rien. Toute son écriture se construit sur la clarté, la logique structurelle et la perfection formelle. Il déclare : « Je préfère écrire toutes mes sensations que d'être dévoré par elles » témoignant du sens et de la quête d'identité de l'artiste ou du compositeur. D'une intensité extrême, les nocturnes op. 15 n°2 et op. 27 n°1 composés respectivement en 1831 et 1834, sont l'exemple parfait de ces harmonies poétiques et flâneuses. Ces deux pièces, de forme lied, illustrent le balancement rubato propre au romantisme musical. D'un tempo calme, le temps s'écoule lentement, sans hâte, sans régularité mécanique, c'est la magie du rubato. Puis, lorsqu'on ne s'y attend pas, un crescendo vient surprendre l'auditeur, et le transporter vers une salle de bal, pour entendre, l'espace d'une vingtaine de mesures, une lointaine valse polonaise… Les nocturnes sont certainement les pièces qui illustrent le mieux la vie à l'époque de F. Chopin. D'un tout autre tempérament, le Nocturne op. 48 n°1 est composé en 1841. Cette sorte de « pompe » à la main gauche lui confère dès le début un caractère de marche endeuillée et de tristesse incroyable. Bien plus dramatique que les deux premiers préludes de cet album, la couleur de do mineur finit d'établir un climat de souvenirs de jeunesse et de fatalité irréversible du temps. Le thème peu à peu s'amplifie vers une cadence parfaite ouvrant elle-même sur un majestueux choral, noblement majeur, pour revivre un peu les souvenirs dans la splendeur d'une jeunesse éternelle. La fougue soutient alors le second thème, serein, avant de réexposer le premier thème triste dans une version plus passionnée.

Isabelle Œhmichen redonne éclat à ce nocturne. Son interprétation n'est absolument pas convenue. D'une forte personnalité, son assurance et sa fermeté éclairent ces pièces magnifiques. Le Prélude Posthume op. 45 en do dièse mineur, est un vrai voyage de modulation, un rêve poétique, plein de tonalités imprévisibles et toujours plus belles les unes que les autres. Lorsque commence le Concerto op. 11 n°1 pour piano et orchestre à cordes, c'est à la toute première interprétation que Chopin nous convie. Dans les salons de Pleyel, à Paris, le 26 février 1832, accompagné par un quintette à cordes. Liszt et Mendelssohn entendent les premières notes de ce concerto sublime. Les cordes ouvrent ce premier mouvement pendant environ quatre minutes. Puis, la pianiste soliste entre, forte, l'énergie d'une lionne. Le quintette s'efface, et n'apparaît plus qu'en touches pâles mais indispensables, comme pour soutenir les frissons romantiques créés sous ses doigts. Si Chopin aimait tout particulièrement le second mouvement de ce concerto op. 11 n°1, larghetto romanza, Liszt le qualifia « d'idéale perfection », une grâce extraordinaire. Le dernier mouvement, plus sautillant, plus vivace, égrène les gammes et les appogiatures comme une bourrasque de neige. Admirable plénitude poétique et harmonique, d'essence vocale, la musique de Chopin chantera longtemps encore ses merveilleuses lignes mélodiques à nos oreilles. Du moins, que cela dure le plus longtemps possible.

Isabelle Œhmichen n'est pas à son premier album, et cela se sent. Pas moins de neuf CD enregistrés à ce jour, parmi lesquels, elle tente toujours de promouvoir des compositeurs moins connus du grand public, comme Sauguet, Collet, Magin, Dohnanyi, Weiner et Wissmer. Lauréate de la Fondation Cziffra en 1993, et Premier grand Prix du Concours Magin en 1989, elle a joué dans de nombreux orchestres et se produit régulièrement avec l'Orchestre de Chambre de Hongrie.

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