- ResMusica - https://www.resmusica.com -

En plein dans le mille

Festival « Il est né le divin Mozart »

Quelques heures après un très inégal concert de John Eliot Gardiner à Bruxelles, le même programme des trois dernières symphonies était donné par l'Orchestre Philharmonique de Liège (OPL) pour son Festival « Il est né le divin Mozart ». La Symphonie n°39 fait déjà forte impression par son élégance et son équilibre, par le raffinement et le soin apportés à la sonorité des bois, à la fois nette et chaleureuse, et par sa fluidité, un paramètre très important dans cette œuvre de mouvement, de cheminement, qu'on a souvent comparée à la description d'un parcours d'initiation maçonnique. Tous les mouvements de cette symphonie sont superbes, en particulier le menuet : dansant et bonhomme, dans lequel clarinettes et flûte sont irrésistibles de mœlleux et d'esprit. Les cordes sont plus décevantes : leur son est assez maigre et crispant, et la cohésion est parfois précaire.

Comme notre collaborateur Sylvain Rouvroy l'a expliqué dans un précédent article, l'OPL est divisé en deux formations pour cette semaine de festival. Pour les deux symphonies suivantes, la formation « Salzbourg », dont les cordes ont une sonorité plus charnue et plus sombre vient remplacer la formation « Vienne ».

Dans le premier mouvement de la Symphonie n°40, Langrée réussit le tour de force d'être à la fois rageur, passionné et pugnace, tout en gardant à la ligne principale une parfaite lisibilité. La phrase n'est jamais hachée, mais souple, chantante et homogène. Dans l'Aandante, on notera l'extrême douceur des cors, et un climat lyrique rendant la parenté de ce mouvement avec l'air de Tamino dans la Flûte enchantée très frappante. Le menuet est le mouvement le moins heureux : son cours est rude et heurté et l'expressivité prend un peu trop le pas sur le chant, mais le Finale est d'anthologie, musclé mais souple, vigoureux mais chantant, il va au fond du drame, avec un orchestre excellent, dont les cordes sont particulièrement mordantes et les interventions des vents très soignées.

L'ambiance de ce concert va crescendo : la Symphonie n°39 a été saluée par des applaudissements chaleureux mais pas excessifs, la n°40 provoque de nombreux rappels, et dans la « Jupiter », on sent une véritable communion s'installer entre l'orchestre et le public. Le premier mouvement est impérieux et fier, l'orchestre est gonflé d'orgueil et de confiance dans les passages triomphants, alors qu'il adopte un ton délicieusement persifleur et badin lorsqu'il retrouve le thème d'opéra bouffe tiré de l'aria « Un baccio di mano ». La maîtrise de est confondante car il parvient à fusionner les contraires dans ce mouvement génial mais dont le ton juste est si difficile à trouver, entre légèreté galante et vigueur martiale. Rien à redire sur les mouvements centraux : l'Andante est clair, simple et aérien, et le Minuetto est guindé juste ce qu'il faut. Le Molto allegro final est, on s'en doute, Le grand moment de ce concert, une apothéose conquérante et altière, une élévation fuguée vers les plus hauts sommets de la beauté musicale.

Musiciens et public ont semblé sortir profondément heureux de ce concert, et est décidément un grand chef, dont les interprétations de Mozart, par leur élégance et leur équilibre vont en plein dans le mille.

Crédit photographique : © Illustration : Mozart au piano, tableau inachevé de Joseph Lange © Musée Mozart, Salzbourg

(Visited 126 times, 1 visits today)