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Klaus Tennstedt granitique !

Après le choc de la symphonie n°3 d’Anton Bruckner par les mêmes interprètes (lire ici notre chronique de cet enregistrement), on trépignait d’avance d’entendre ces musiciens dans un couplage aussi intelligent qu’inédit de deux symphonies épiques et narratives de l’auteur du ballet Roméo et Juliette. Sans démériter, ces deux concerts ne sont pas de la même dimension. La symphonie n°5 est une partition solidement charpentée à l’efficacité cinématographique. Puissance, finesse, humour et dérision sont les atouts à réunir pour réussir cette œuvre, tandis que l’orchestre se doit de faire rutiler ses pupitres qui jusque dans les percussions ont de quoi se mettre en valeur. Tennstedt choisit des tempi assez amples et insiste sur la logique de la construction. Cependant, il manque à son interprétation de la rage et la démesure. On sent aussi l’orchestre assez peu à son aise ; si aucune erreur technique ne vient entacher la performance, les musiciens marchent sur des œufs. Dès lors, la phalange allemande produit des timbres assez rauques et fauves qui conviennent assez bien aux mouvements extrêmes de la partition, les dernières notes de l’Allegro giocoso final sont à ce titre impressionnantes. Mais, le sublime Adagio manque de souplesse et de netteté alors que les tutti sont souvent brouillons. Dans une discographie particulièrement chargée en qualité, on préfèrera rester fidèle aux grandes références : Koussevitsky (RCA), Szell (Sony), Bernstein (Sony), Maazel (Decca), Ansermet (Decca), Karajan (DGG), Dorati (Mercury), Mitropoulos (Orfeo).

Le cas de la symphonie n°7 est moins complexe, ce dernier opus symphonique de son auteur, envisagé comme un hymne à la jeunesse, frappe par un certain académisme. Pourtant, Prokofiev sait conjuguer respect des formes et des préceptes des gardiens de l’orthodoxie réaliste socialiste avec une inventivité mélodique et une brillante orchestration. Là encore, le chef d’orchestre insiste sur la structure et l’équilibre entre les parties, mais cette vision connaît des carences de second degré, particulièrement dans le dernier mouvement. Moins malmené que dans la symphonie n°5, la phalange bavaroise retrouve sa discipline et les traits instrumentaux sont moins débraillés. Pourtant Ormandy (RCA) et surtout Rojdestvensky (Melodiya) sont allés plus loin dans l’exploitation des notes.

En l’absence de concurrence dans ce couplage et pour compléter notre connaissance de l’art de ce chef qui n’a pas gravé officiellement ces partitions, ce disque s’avère utile, mais pour entendre un Prokofiev sans compromis, il faut se tourner vers d’autres cieux.

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