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Un programme rafraîchissant avec Le Villi

En ces temps où il est si bien vu de snober l'œuvre de Puccini pour préférer la musique ancienne, on se réjouira de l'initiative de La Monnaie, parvenue à proposer à son public un programme capable de le surprendre, entièrement consacré aux œuvres de jeunesse du maître italien.

Alors que le simple fait de mettre Puccini au pupitre suffit généralement à garantir le remplissage d'une salle de spectacle, n'a pas pour autant négligé le plateau vocal de l'opéra donné en version concertante : Le Villi. C'est là certainement la clé du succès de cette soirée.

Celle-ci a débuté avec le prélude en la majeur, composé par le jeune Puccini à l'âge de dix-huit ans, juste avant qu'il n'entre à Milan pour y étudier sous la conduite de Ponchielli. Si l'on y remarque déjà le style qui fera son succès, on percevra également une influence wagnérienne. Le Cappricio sinfonico, pièce écrite dans le cadre de la fin de ses études au conservatoire milanais clôture déjà cette première partie. Puccini réutilisera dans le futur des thèmes de cette partition qui viendront nourrir La Bohème, mais aussi Edgar. Soucieux que ces emprunts manifestes ne soient pas découverts par le public, Puccini ira jusqu'à emprunter l'unique partition de la bibliothèque de son conservatoire, pour ne jamais la rendre… L'orchestre de la Monnaie défend sans grande conviction ces deux pièces, et montre des difficultés à s'adapter à la direction très souple de Pier Giorgio Morandini. Les entrées en tutti sont parfois délicates et les chefs de pupitres, surtout le premier hautbois, étonnamment timides.

Pendant la pause, de nombreux techniciens s'affairent autour des écrans de surtitrage destinés à la bonne compréhension du livret des Villi. C'est peine perdue car ceux-ci s'obstineront à ne pas vouloir fonctionner. Qu'à cela ne tienne, l'intrigue n'est guère ardue. Inspirée d'une légende germanique, elle relate la destinée d'Anna, fiancée à Roberto. Celui-ci va délaisser Anna qui se laissera mourir de chagrin. Roberto se verra alors entraîné dans une ronde fatale par les Willis, âmes de jeunes filles et femmes mortes ayant connu le même sort qu'Anna de leur vivant. La musique de Puccini suit la traditionnelle succession de morceaux clos, Le Villi se divisant ainsi en dix numéros. Le livret se limite au strict nécessaire, un rôle parlé venant éclairer ponctuellement l'auditeur sur le cours de l'action. Le procédé, assez pauvre, tombe complètement à plat en l'absence du surtitrage, malgré toute la bonne volonté de l'actrice Irene d'Agostino…

La soprano chilienne demeure omniprésente dans les productions consacrée à Puccini, bien que les aigus souffrent d'une justesse approximative et que le vibrato se montre plutôt agaçant. On surmontera rapidement une certaine appréhension car le rôle n'est pas le plus difficile du répertoire et finalement, Gallardo-Domâs offrira une prestation tout à fait correcte, même si la vraie vedette de ce soir aura été , ténor tendant à s'imposer sur les plus prestigieuses scènes européennes et américaines. Si le timbre n'est pas des plus raffinés, l'auditeur est facilement impressionné par une puissance vocale telle qu'elle parvient aisément à faire oublier le manque de subtilité quant à la musicalité du phrasé. La cohérence de cette distribution se confirmera par la prestation de , baryton au timbre noble et engagé.

La plus belle surprise de cette seconde partie de concert reste la performance de l'orchestre de la Monnaie, qui retrouve toute sa verve, offrant de riches nuances sous la baguette de Pier Giorgio Morandi. Malgré une tendance manifeste à couvrir ses chanteurs, le chef a effectué un très beau travail avec l'orchestre. Il aura su révéler tout le potentiel de cette œuvre de jeunesse, en évitant les pièges d'une partition qui malgré tout, ne fait pas toujours dans la subtilité. Les chœurs, quant à eux se montrent très satisfaisants, avec toutefois une plus belle homogénéité des timbres chez les messieurs. Une très belle soirée en conclusion pour ce concert qui aura été donné trois fois en la salle Henri LeBœuf du palais des Beaux-Arts de Bruxelles et qui s'est terminée par des applaudissements nourris et tout à fait mérités.

Crédit photographique : © DR

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