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Le miracle Dohnanyi

NDR Sinfonieorchester

Ce concert à la Philharmonie de Luxembourg était la troisième étape d'une tournée du NDR Sinfonieorchester qui proposait initialement d'entendre Thomas Quasthoff chanter des lieder de Schubert orchestrés par différents compositeurs. Malade, il a été remplacé avant le départ de l'orchestre par rien moins que qui offre au public le Concerto pour violon de Beethoven à la place du programme prévu.

Pour évoquer le Concerto pour violon de Beethoven de la première partie, parlons d'abord de l'orchestre, qui fut une merveille de bout en bout. Effectif large mais textures chambristes, tempi assez lents mais allure légère et souple, mené par , l'orchestre hambourgeois est le partenaire idéal (nous n'avons par exemple jamais entendu un mouvement lent de concerto introduit avec autant de délicatesse que ce soir). La prestation de nous laisse plus dubitatif : partagé entre une légitime admiration pour son brio technique et une certaine incompréhension devant un jeu qui manque de simplicité, et qui surcharge la ligne d'effets (glissandi, portamenti, …) qui nuisent à la continuité du discours. Et quand il décide de jouer simplement, dans la seconde partie du premier mouvement, où il est mieux canalisé par le chef, quel grand musicien il peut être ! Doux, inventif, brillant et poétique, un miracle de violon. C'est aussi une personne sympathique, car après un finale encore un peu trop démonstratif, mais dans lequel ses fantaisies passent globalement mieux, et les applaudissements très nourris du public, il prend la parole pour souhaiter un prompt rétablissement à Thomas Quasthoff, remercier l'orchestre de sa collaboration, et annoncer son bis, la Sarabande de la Partita n°2 de Bach. On retrouve alors le Vengerov qu'on aime, qui propose un Bach certes romantique, mais spontané et lyrique, de sonorité chaleureuse, et d'une grande pudeur.

Ce copieux concert se poursuit par la Symphonie n°5 de Mahler. On connaît le Mahler de Dohnányi par son cycle inachevé, réalisé pour Decca, à la tête de son orchestre de Cleveland, des lectures plastiquement superbes, mais à la perfection légèrement glaçante, et expressivement assez neutres. La cinquième de ce soir nous fait entendre quelque chose de totalement différent, un Mahler brûlant et passionné, aux contrastes très marqués, qui ne joue pas sur la virtuosité de l'orchestre (à ce niveau-là, la NDR a un net désavantage sur Cleveland), mais sur sa cohésion, et sur la densité du son, très égal et homogène. Comme dans le concerto de Beethoven, les tempi sont mesurés, mais jamais traînants, et les accélérations peuvent être vertigineuses. Chaque mouvement est une réussite absolue, et d'une évidence géniale, et la violence abrupte et macabre du mouvement initial, l'explosivité des climax d'un Sturmisch Bewegt fouettant les corps et les âmes, l'ivresse chorégraphique un peu grotesque du Scherzo resteront dans les mémoires. Marquants également, le naturel et la simplicité des phrasés d'un Adagietto transparent, et la jubilation d'un Rondo, finale glorieux et gonflé d'espoir.

La prestation du NDR Sinfonieorchester est exemplaire de discipline et de fondu des couleurs, avec des pupitres de cordes au son rond et chaleureux, une petite harmonie très en verve, un timbalier déchaîné, et des cors et cuivres qui se couvrent de gloire. L'orchestre ne connaîtra qu'un moment d'égarement, dans le Scherzo, quelques pizzicati maladroits provoquent l'étonnement et un court flottement. Dans le dernier mouvement, on sent l'orchestre un peu fourbu par ce long programme, mais galvanisé par l'enjeu, il reste d'un niveau étonnant et serre les rangs. Dohnányi, nous ne l'apprendrons à personne, est un très grand chef, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de le rappeler.

Crédit photographique : © DR

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