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Tchadors, burqas, moucharabiehs, turbans et babouches un Barbier orientaliste

Depuis la mort de Napoléon, il s'est trouvé un autre homme duquel on parle tous les jours à Moscou comme à Naples, à Londres comme à Vienne, à Paris comme à Calcutta”, écrit Stendhal dans sa « Vie de Rossini ».

Avec le Barbier de Séville, le « Napoléon de la musique » livre une œuvre majeure de l'opera-buffa. Créée au Teatro Argentina de Rome le 20 février 1816 sous sa direction, c'est un fiasco, les romains étant habitués au Barbier de Paisiello. Le lendemain, Rossini élague sa partition et se fait porter malade pour ne pas avoir à diriger l'orchestre le soir suivant son échec. Mais le public change d'avis et lui fait un triomphe. Quelque temps plus tard, Paris accueille l'œuvre avec éclat. Il faut dire que la vivacité et le crescendo des morceaux d'ensemble, la cavatine de Figaro, chef-d'œuvre d'invention, de légèreté et de finesse et celle de Rosine, piquante et vive, éveillent l'attention du public français qui ouvre à Rossini les portes de la gloire.

Dans cette production aux décors somptueux, à l'esthétique superbe et raffinée, nous entraîne dans une Séville plantée au milieu d'un désert proche-oriental où un Bartolo enturbanné et en culotte de zouave tient enfermée dans sa forteresse une Rosine en tchador et burqa. Sa mise en scène pose un regard aigu sur la constance de certains comportements humains depuis la Séville de Rossini jusqu'au XXe siècle de Kaboul. Et particulièrement sur la condition féminine.

Cette production est une grande réussite de l'Opéra Bastille. Les directions d'acteurs et d'orchestre sont particulièrement brillantes. Le chef mène ses musiciens avec raffinement et vivacité. La distribution est un enchantement d'homogénéité et de talents avec notamment une rayonnante qui relève en beauté le défi de Rosine, rôle acrobatique s'il en est, et Carlos Chausson dont le Bartolo inénarrable comme acteur et chanteur restera dans les annales. Dalibor Jenis compose un Figaro assez délirant. Sa voix solide et parfaitement placée est un grand plaisir musical. en Basilio, Nicholas Garrett en Fiorello et Jeannette Fisher dans le rôle de Berta sont excellents et drôles à souhait. Un DVD pour oublier les CPE et autres précarités de la vie quotidienne.

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