- ResMusica - https://www.resmusica.com -

À la recherche du pianoforte perdu de Mozart

Saviez-vous que le pianoforte de Mozart fabriqué par Anton Walter, pieusement conservé à Salzbourg, avait été modifié après sa mort par le célèbre facteur ? Ce qui fait que les copies du « piano de Mozart » ne sont en fait que des répliques d'un instrument sur lequel il n'a jamais joué. Le facteur d'instruments anciens Chris Maene a, sur la demande de , reconstitué la mécanique originale d'après les observations effectuées par le musicologue Rudolph Angermüller, et les deux sonates permettent d'entendre l'instrument avant et après l'intervention de Walter. Deux différences essentielles en fait : une mécanique plus légère et plus archaïque dans l'instrument d'origine, ainsi que, et cela surprend davantage, l'absence de pédales ou de genouillères remplacées par des tirettes manuelles qui relèvent les étouffoirs en tout ou partie – les aigus indépendamment des basses. Cela dit, les bases sur lesquelles l'instrument a été reconstitué restent purement spéculatives et l'on sait que Mozart jouait sur toutes sortes d'instruments, avec une préférence pour ceux de Johann Andreas Stein qu'il utilisa lors de concerts et qui, eux, possédaient des genouillères. Le texte, à la traduction un rien confuse, détaille ces changements mais reste tout à fait muet sur les œuvres elles-mêmes. Il aurait pourtant été utile de préciser que la Fantaisie en ré mineur K. 397, ici datée « Vienne, années 1780 », ne serait en fait que partiellement de Mozart, qui n'en aurait laissé que des esquisses composées vers 1782.

Une conférence sur le sujet, illustrée par cet instrument, serait sans aucun doute fort intéressante, même si l'on a entendu des copies de Walter plus riches. Mais, face à une discographie surchargée, l'interprétation de ne s'impose guère. Le jeu paraît bien systématique, chaque phrase s'accompagnant d'un accelerando-rallentendo qui donne le mal de mer dans le fameux Alla turca de la Sonate K. 331, et l'instabilité permanente de la pulsation confine au maniérisme. Les ornements sont parfois maladroits – est-ce un effet de la mécanique rétive ? – et, plus grave, les divers embellissements qu'ajoute le pianiste aux reprises n'ont pas toujours la durée de la phrase initiale et sont parfois bancals d'un quart ou d'un demi-temps au moins. Même, dans le Menuetto de cette même Sonate K. 331, il manque carrément deux temps à la mesure 16 : on se retrouve ainsi avec une mesure à quatre temps en plein menuet !! Or on sait, par sa correspondance, que Mozart attachait une grande importance à la rectitude rythmique et détestait que l'on bouscule ses phrases et modifie les tempos.

Les férus d'organologie seront sans doute curieux d'aller jeter une oreille sur ce disque, mais n'apprendrons pas grand-chose tant la différence sonore entre les deux mécaniques semble ténue. Le mélomane moyen, amateur de pianoforte, en restera à Ronald Brautigam (Bis), l'excellente mais moins connue Tuija Hakkila (Finlandia supprimé), ou Andreas Staier (Harmonia Mundi).

(Visited 1 468 times, 1 visits today)