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Katia Skanavi interprète Rachmaninov

s'est faite récemment remarquée par sa prestation au Théâtre des Champs-Elysées en interprétant le rare Concerto n°3 de Tchaïkovski sous la direction de Kurt Masur. On pourrait croire à l'éclosion d'un nouveau talent. Le livret (inexistant, en fait) du présent enregistrement nous renseigne : la pianiste a déjà enregistré pas moins de six disques chez Lyrinx… De quoi s'inquiéter… Il est réellement difficile d'acquérir une notoriété, et surtout de la faire subsister.

Son nouvel enregistrement est consacré à deux compositeurs qu'elle affectionne particulièrement, Tchaïkovsky et Rachmaninov… Rachmaninov est sans doute le compositeur dont les œuvres flattent le plus les pianistes, mettant en exergue une virtuosité parfaitement adaptée au clavier et surtout audible : on en a plein la vue. En revanche, on ne peut pas dire des pianistes qu'ils rendent service au compositeur, car ils ne voient dans son corpus d'œuvres qu'un admirable faire-valoir. Pour rendre cette musique convaincante, il faut croire en elle, avant même de croire en soi. C'est vrai pour tous les répertoires, mais c'est d'autant plus primordial chez les post-romantiques ou tout peux vite sombrer dans le kitsch et le maniérisme. Chez , tout est pensé, repensé et avant tout senti, ressenti.

Alors la posture allongée de la pianiste enveloppée de drapées d'or ne doit pas masquer une volonté tenace de défendre le répertoire qu'elle aborde. On admire l'intelligence avec laquelle le programme est élaboré. Elle choisit l'épuration pour pénétrer la mélancolie qui innerve l'univers musical russe. Les superbes Barcarolles, les pièces extraites des Saisons, la romance «Lilas » sont à peine susurrées, timides, grâce à une économie de pédale et un toucher perlé. Le climat est ascétique, là ou il aurait été beaucoup plus facile d'envelopper le tout de rubato, de pédale, bref, de débordement. Rien n'est plus difficile que d'être simple.

Les Etudes-tableaux de l'opus 39 viennent rompre la morne monotonie de la première partie par leur ampleur symphonique. Les ressources de la pianiste sont impressionnantes, d'autant plus que l'on sait qu'elle relève la gageure d'enregistrer live. L'opus 39 de Skanavi est éloquent : pas une note, une phrase, n'est dénuée de sens, privée d'intention. Sa conscience souveraine ne la bride en aucun cas et permet par ailleurs à ses dix doigts de gérer sans écueil le déluge de notes. Les contrastes sont saisissants sans jouer avec les extrêmes : la pianiste prend soin de préserver une homogénéité de son, ici riche, jamais cassant, ce dans la variété des attaques et des nuances.

Quoi de plus logique pour terminer, que l'union des deux compositeurs, Rachmaninov réinventant Tchaïkovski. Le retour à la simplicité du début vient boucler la boucle.

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