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Delphine Lizé interprète Schumann

Non seulement la jeune niçoise possède un magnifique visage mais plus encore son jeu rend grande justice et confère un puissant attrait aux deux opus schumanniens qu'elle défend talentueusement sur un Steinway à la sonorité enchanteresse. Les deux cahiers des Fantasiestücke op. 12 illustrent un imprégné des Fantaisies dans la manière de Collot tirées du Journal d'un voyageur enthousiaste de E. T. A. Hoffmann parues en 1815, sorte de recueil de miniatures qui inspire au compositeur un vaste panel d'émotions allant du crépuscule de Des Abends (Du soir) au capricieux Grillen (Avec humeur) en passant par l'énigmatique et sombre Warum ? (Pourquoi ?). Ces pièces bénéficient d'un toucher chantant et assuré, se rapprochant d'atmosphères envoûtantes et intériorisées ou à l'opposé de pages plus débridées. parvient à conférer à cet opus mille facettes connues mais à l'occasion aussi nombre de traits habituellement moins saillants et soulignés.

Certes, au jeu des comparaisons il serait aisément loisible de marquer telle ou telle différence avec les versions concurrentes parfois prestigieuses mais en somme pas si nombreuses que cela. Sa relative liberté interprétative génèrera des critiques de la part des vertueux mais, et voilà l'intérêt de cette livraison, il s'agit bien d'une authentique « interprétation ». Le contemporain op. 6, les Davidsbündlertänze (Danses des compagnons de David), présente lui aussi une physionomie inhabituelle en fonction du respect ou de l'affranchissement des indications de tempos et de nuances consignées par le compositeur sur sa partition. s'active et s'affaire à échafauder une structure, sinon parfaitement homogène, du moins relevant de sa propre logique pianistique. Ce qui pourrait superficiellement passer pour quelque incohérence provient en réalité de la dualité créatrice d'un Schumann profondément marqué par la présence et la lutte des pôles opposés de sa personnalité représentée par Eusebius (l'abandon du rêveur romantique) et Florestan (l'ivresse du passionné instable) et dont les indications, presque autobiographiques, ont été ôtées dans la seconde édition de la partition. Les puristes apprécieront la fluidité et la tendresse, le ciselé délicat de certaines pages, les autres applaudiront face aux passages contrastés et débridés.

Une étonnante plongée originale dans la fantaisie à la Schumann empreinte de respect et d'émancipation tout à fait dignes d'éloges et d'écoute. Une prise de risque assurément payante.

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