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Haendel à l’Abbaye de Maulbronn : Solomon

La série des enregistrements de l’Abbaye de Maulbronn est prolifique, et après un très bon Messie, nous arrive maintenant Solomon, autre oratorio de Haendel. Solomon est une œuvre assez figée, une seule scène, celle du célèbre jugement, présentant un tant soi peu d’»action», mais la musique, puissante et raffinée, est du Haendel le plus inspiré, et le traitement virtuose des chœurs révèle une incomparable maîtrise. L’oratorio date de 1748, il ne connut pas beaucoup de succès à sa création, mais s’est imposé depuis, et bénéficie d’une discographie relativement importante et variée, entre les versions de Beecham, Somary, Gardiner ou Mc Creesh.

Les atouts de cette nouvelle version sont assez nombreux, à commencer par le Maulbronner Kammerchor qui a fort à faire dans l’acte de la Reine de Saba, et qui séduit par son excellente tenue, une bonne maîtrise de la polyphonie et des timbres corsés et très présents. Le chœur n’affiche pas la perfection d’ensemble des meilleures formations anglaises, et certaines intonations sont un peu douteuses, mais il se rattrape largement au niveau de l’engagement dramatique et de la théâtralité. La distribution est dominée par les dames : Nancy Argenta chante le rôle de la Reine égyptienne puis celui de la vraie mère dans la Scène du jugement. Elle est d’une perfection virtuose brillante mais un peu froide en Reine égyptienne, mais sait trouver des accents humains et déchirants quand elle implore Salomon d’épargner son enfant.

Laurie Reviol fait encore mieux, très joli timbre brillant et un peu fragile dans les aigus, mais d’une belle consistance dans le médium : elle est une voleuse d’enfant très crédible, verte et froide, et elle est encore plus convaincante en Reine de Saba, donnant une vraie leçon de chant dans l’air «Ev’ry sight these eyes behold» qu’elle phrase à ravir. Dans le rôle-titre, on a malheureusement un Michael Chance très fatigué, qui garde un médium émouvant, mais dont le timbre n’a plus de couleurs, les aigus plus de justesse, et dont le ton plaintif n’a vraiment rien de royal. Il est largement supplanté par le Zadok de l’excellent Julian Podger, ténor stylé, à la vocalisation assurée et au timbre clair et léger, auquel on reprochera quelques montées vers l’aigu assez périlleuses. La basse Stefen Balbach est un simple comparse, le chant est correct mais trop vibré, et la voix, très grise, a peu d’amplitude. Jurgen Budday dirige son excellent orchestre avec ses qualités habituelles : clarté, sensualité, et élégance, et une grande attention à la respiration des solistes, mais on peut regretter le manque de tension et de caractérisation des scènes : tout étant joué à peu près pareil, dans une ambiance assez polie et dépassionnée. La prise de son de ce concert est remarquable, claire et aérée, elle contribue à faire de cet album une version tout à fait recommandable pour qui voudrait découvrir ce superbe oratorio.

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