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Symphonies de Chostakovitch : titanesque Jurowski

Le label néerlandais Pentatone classics est en train d'enregistrer une intégrale des symphonies de Chostakovitch avec l'. L'originalité de l'entreprise tient dans la multiple direction musicale de ce corpus : la baguette sera confiée aux différents chefs d'orchestre de la formation.

Après un premier volume confié au fondateur de l'ensemble : le pianiste et chef d'orchestre Mikhail Pletnev (lire ici la chronique de cet enregistrement) et en attendant un prochain volume où œuvrera Paavo Berglund, l'auditeur peut se régaler des symphonies n°1 et n°6 sous la baguette de . Fils du chef d'orchestre Mikhail Jurowski, ce jeune musicien est l'une des baguettes les plus en vue du moment : directeur musical du très huppé Festival de Glyndebourne, il vient d'être nommé chef permanent de l'Orchestre Philharmonique de Londres où il succède à Kurt Masur tout en occupant le poste de premier chef invité de l'orchestre russe.

Création de génie d'un auteur de dix-neuf ans, la Symphonie n°1 de Chostakovitch est une partition assez difficile à réussir. La discographie de l'œuvre reste dominée par le témoignage tardif de Leonard Bernstein (DGG) et par le récent enregistrement de Dimitri Kitaenko (Capriccio). Jurowski prend la partition à bras le corps et il impose, tout au long des quatre mouvements, une incroyable tension. Cette pièce au ton juvénile prend ici des accents sombres et dramatiques, comme si elle était prémonitoire des tragiques évènements à venir pour le compositeur mais aussi pour un pays alors plongé dans l'euphorie révolutionnaire. L'orchestre livre une prestation exceptionnelle : le grain des cordes, la finesse des vents et la puissance des cuivres et des percussions font merveille.

Œuvre énigmatique, la Symphonie n°6 fut composée en 1939, peu de temps après les purges staliniennes. Ecrite en trois mouvements, elle fait s'opposer un long premier mouvement abandonné et crépusculaire à deux autres mouvements à l'ironie virevoltante. Cette pièce si difficile à unifier prend ici une évidente logique. Jurowski fait du Largo initial une marche funèbre aux tons noirs et fantomatiques comme hantée des ombres des disparus de cette terrible époque. Les traits des trompettes semblent appeler les victimes alors que le pathos des cordes apparaît comme une supplique de la population. Dans un tempo très lent à la limite de la rupture, Jurowski ose les plus infinies nuances. Le contraste avec les deux derniers mouvements, emportés dans des tempi échevelés, est d'autant plus grand. Dans ces parties, le chef d'orchestre semble faire rire jaune la propagande stalinienne. L'orchestre, impérial, servi par une magnifique prise de son se régale à jouer sous une telle direction. Cette phénoménale interprétation devient l'égale des illustres enregistrements d'Evgueni Mravinsky (Melodiya), Leonard Bernstein (DGG) et Dimitri Kitaenko.

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