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Bernard Haitink trahi par la technique !

À soixante-seize ans, voilà donc que se lance dans l'aventure d'une nouvelle intégrale Beethoven enregistrée en concert au Barbican Center de Londres – il est vrai que ses cycles précédents n'avaient pas vraiment marqué les esprits. Malgré le choix de la nouvelle édition Bärenreiter, fièrement annoncé sur le boîtier, n'attendez pas une relecture radicale des œuvres (mis à part les sourdines dans le mouvement lent) : la Pastorale de Haitink est traditionnelle, douce, patiente, d'une extrême fluidité, chaleureuse. Ce qui ne veut pas dire nécessairement « émolliente », le premier mouvement montre d'ailleurs une grande netteté de rythme et une certaine animation, même s'il est vrai que le finale, aux phrasés très liés (et faisant ainsi fi des indications de Beethoven, éditions Bärenreiter ou pas), manque un peu d'énergie. À condition d'aimer cet abord, en rien novateur sans doute, mais très musical, voilà une fort belle version de l'œuvre, qui n'est pas sans rappeler celle de Bruno Walter par la tendresse qui s'en dégage. La Symphonie n°2 se montre un peu moins réussie : manquent l'humour et la sveltesse d'une œuvre de jeunesse. Ici, le trait peut sembler un rien appuyé, dans une approche carrée et stricte qui n'est cependant pas sans intérêt.

Seulement, voilà, tout cela perce difficilement derrière un enregistrement très en deçà des standards actuels. Excessivement sèche (aucune acoustique), sourde (au point, tout de même, de vérifier sur l'amplificateur si les aigus n'avaient pas été coupés par inadvertance : il n'y a rien au-delà de 10. 000 hertz), mal localisée (des violons partout, au milieu, à droite à gauche, derrière, devant) et audiblement trafiquée (les bois, devant les cordes dans les passages solistes, disparaissent totalement dans les tutti), la prise de son est d'un niveau guère professionnel : on a entendu des prises amateurs sur Minidisc de meilleure qualité…

C'est un crève-cœur de ne pouvoir donner meilleure appréciation d'un disque dont on sent qu'il est le fruit d'un patient travail de la part d'un artiste éminent. Mais, malgré son prix modique et une Pastorale qui intéressera sans doute les fans du chef, impossible de recommander un enregistrement à ce point gâché par la technique : même la version Walter de 1959 sonne incomparablement mieux ! Ce n'est vraiment pas la peine de rameuter le ban et l'arrière-ban du matériel de pointe pour obtenir un tel résultat…

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