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Viva l’Almaviva d’Antonino Siragusa !

On ne présente plus cette production du Barbier de Séville signée par Dario Fo dans l'esprit de la commedia dell'arte. Créée à Amsterdam en 1992, elle a été donnée dans la foulée au palais Garnier et a connu les honneurs de la vidéo, révélant une Jennifer Larmore au charme ravageur.

Le Grand Théâtre de Luxembourg, qui mène une pertinente politique de coproduction, s'est associé à l'Opéra d'Amsterdam pour cette reprise avec une distribution renouvelée et alléchante.

La mise en scène nous laisse partagés entre d'une part un léger agacement devant un déluge de gags qui frôlent parfois la trivialité et une agitation scénique permanente, et d'autre part une adhésion enthousiaste à cette démarche d'une gaieté et d'une fantaisie communicatives, qui nous entraîne dans un univers coloré et ludique. Voilà cependant un spectacle susceptible de séduire un public beaucoup plus large que celui qui fréquente ordinairement les salles d'opéra, et cela est heureux au moment où trop d'institutions lyriques cèdent à la tentation systématique d'un intellectualisme vaseux. Il émane de cette présentation un plaisir sans nuages ni prétentions qu'il serait bien idiot de bouder, d'autant que les exigences musicales n'y sont jamais sacrifiées.

Au chef , qui livre de la partition une lecture professionnelle et sans subtilités, on reprochera de couvrir parfois les solistes dans sa volonté de faire sonner l'orchestre. La principale victime en est , Basilio riche de timbre mais qui a fort à faire pour passer le rempart instrumental ay terme d'une « Calumnia » détaillée avec gourmandise. campe un hilarant Bartolo, avec une voix saine et flexible, rompue au chant syllabique, mais qui souffre toutefois d'un déficit de projection dans le bas du registre. Voici qui nous console des vétérans essoufflés trop souvent distribués dans ce rôle. Nous serons moins indulgents en ce qui concerne , qui livre d'une voix sans séduction un Figaro au chant sommaire, que ne rachète que son aisance scénique. Qu'importe, car Rossini a si bien écrit sa partie que le public lui réserve malgré tout un excellent accueil.

Les lauriers de la soirée reviennent incontestablement à Rosina et à Almaviva. La première trouve en une interprète à la voix homogène et richement colorée, appuyée sur un registre grave des plus flatteurs, à la virtuosité sans faille et à la musicalité affirmée, maîtrisant toutes les règles du chant rossinien. Le second est admirablement servi par dont l'assurance vocale et l'impeccable technique belcantiste font rapidement oublier un timbre d'une séduction limitée. Nous retiendrons en particulier une aubade magistrale, d'autant plus méritoire que l'artiste l'interprète sur un perchoir inconfortable. La vocalise est limpide et les demi-teintes particulièrement luxueuses. Le ténor surmonte par ailleurs un physique légèrement enveloppé pour se montrer acteur convaincant et enthousiaste.

Nous n'omettrons pas de mentionner la Berta d'Angelina Ruzzafante, qui triomphe de son air avec des moyens d'une plénitude inhabituelle dans ce rôle – rappelons que la soprano fut en début de saison une convaincante Agathe à l'Opéra de Rennes -, et nous nous réjouirons d'avoir assisté à une représentation ensoleillée et donc pleinement accordée au climat luxembourgeois en ce beau jour de juin.

Crédit photographique : © Grand Théâtre de Luxembourg

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