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Sacré Baroque

XXe Festival en Picardie

Manifestation qui grandit progressivement, le Festival de Saint-Michel-en-Thiérache en est cette année à sa vingtième édition, étalée sur cinq dimanches consécutifs de juin et juillet. Le principe retenu par les programmateurs du festival est d'organiser les concerts en journées dédiées chacune à un thème spécifique. Le deuxième dimanche était cette année consacré à la musique sacrée, et se clôturait par un concert de et de son Concert spirituel.

Première pièce au programme, le Magnificat de , on devrait plutôt écrire un des Magnificat, car il a traité le texte de ce motet à dix reprises au long de sa carrière. Celui présenté ce soir est le H77, qui date des années 1688-1690. en donne une interprétation brillante et incisive, aux rythmes toniques et à l'élégance un peu distanciée. Le chœur est homogène et les solistes sont précis et raffinés : un régal.

L'œuvre suivante fait partie du corpus de messes de Bach qu'on qualifie de « luthériennes » : elles étaient basées sur le texte latin, usage encouragé par Luther lui-même pour les grandes occasions, mais ne comportaient que le Kyrie et le Gloria, et réutilisaient pour la plupart de la musique tirée de cantates. Si la musique française est le jardin du Concert spirituel, ce n'est pas le cas de Bach, dont cette Messe en sol majeur est interprétée avec un sérieux manque d'aisance et de naturel. La respiration et les phrasés semblent contraints, la rythmique est gauche, la polyphonie brouillonne, et les instrumentistes dans l'ensemble assez ternes : on prendra l'exemple du hautboïste, brillant dans Charpentier et Campra, mais qui joue faux sa difficile partie du Quoniam, et qui semble faire des nœuds avec ses doigts. Tout à ses mouvements saccadés, le chef n'aide pas ses troupes à surmonter l'obstacle.

La seconde partie du concert permit de dissiper l'insatisfaction laissée par la messe de Bach en proposant le Requiem de Campra, un des plus grands chefs-d'œuvre du compositeur avec sa célèbre tragédie lyrique Idoménée. Déjà auteurs d'un enregistrement de ce motet il y a plus de dix ans (Adda), et son ensemble y évoluent avec une aisance confondante, traduisant avec précision, grâce et éclat tous les détails d'une partition riche et multiforme. L'interprétation est enthousiaste, vigoureusement rythmée, avec la pointe de pompe guindée qui rend parfaitement les fastes de la Chapelle Royale de Versailles. Les solistes sont de toute beauté, avec deux sopranos aux timbres bien différenciés : Anna Bayodi séraphique et Anne-Sophie Durand plus corsée, une haute-contre au chant souple et élégant, quoiqu'un peu tendu, un ténor ardent, et une jeune basse au timbre ensoleillé et au talent déjà très prometteur. Le chœur et les instrumentistes évoluent au même niveau de raffinement, d'inspiration et de maîtrise. Sensuels et distingués, ils font de ce lumineux Requiem, au ton bien peu résigné, une véritable fête pour les oreilles.

Le Festival de Saint-Michel en Thiérache continue jusqu'au 9 juillet, sa programmation est à consulter sur notre agenda mensuel, région Picardie.

Crédit photographique : © DR

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