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Il Trovatore à Avenches, réussite théâtrale certes, mais…

Pour sa douzième édition, le Festival d'Opéra d'Avenches propose Il Trovatore, l'un des opéras les plus populaires de .

Les arènes de l'ancienne cité romaine ne bénéficient malheureusement pas des conditions climatiques de sa grande sœur véronaise. Cette année, la pluie a eu raison de l'espoir des spectateurs de la première comme de la répétition générale.

En plus d'être compliquée, l'intrigue d'Il Trovatore est sordide, plaçant les metteurs en scène face à des écueils scéniques dont ils tirent souvent le pire. Pier Francesco Maestrini ne tombe dans ces travers, se bornant à un discours au plus près du livret. Avec une grande simplicité de lecture, il soigne la direction et la caractérisation de ses personnages. Usant d'habiles décors (Angelo Sala) pivotant sur eux-mêmes, les changements d'ambiances s'effectuent dans la continuité, permettant ainsi aux différents tableaux de défiler sans interrompre la ligne musicale de l'opéra. Avec le mur du Musée comme écran géant, d'admirables projections lumineuses ajoutent au climat précis du décor. A noter encore la judicieuse apparition d'une troupe spécialisée dans l'art du combat au Moyen Age. Dirigée par le maître d'armes Jan Fantys, elle occupe la scène avec des passes d'armes autrement plus prenantes que les habituels simulacres de batailles tournant fréquemment au comique que les théâtres lyriques présentent.

Mais si le spectacle théâtral de cet Il Trovatore est une réussite, musicalement il laisse souvent à désirer. Certes la musique de est un enchantement total. Le public présent ne s'y est pas trompé en réservant un accueil chaleureux probablement plus adressé à la musique qu'au plateau d'interprètes. En effet, certains flottements entre la fosse et les chanteurs ont troublé le déroulement de la soirée. Ils n'étaient pas dus à l'inexpérience de certains solistes puisque les plus chevronnés se sont trouvés, eux aussi, souvent en total décalage avec l'orchestre. Attiré par ces malaises, l'écoute attentive révèle alors de graves manquements dans la direction d'orchestre de Daniel René Pacitti. Avec son choix de tempos « sénatoriaux », étalant le lyrisme verdien au-delà du bon sens, le chef italien n'a réussi qu'à gêner considérablement les chanteurs. Il suffisait de voir les œillades désespérées des solistes vers la fosse d'orchestre pour mesurer l'ampleur de leur désarroi.

D'ailleurs, du côté des chanteurs, la distribution s'avère inégale. Changeant pratiquement à chaque représentation, l'unité s'en ressent. En constatant les erreurs de distribution dans lesquelles certains chanteurs se sont fourvoyés, il est presque miraculeux que ce spectacle ait pu se dérouler jusqu'à son terme sans catastrophe. Même après une entrée hésitante, le métier de la soprano (Leonora) la projette sur le devant de la scène, couvrant d'une voix au timbre de bronze une partition qu'elle possède amplement. Dommage que l'attention qu'elle devait porter à la direction hésitante de l'orchestre ne lui ait pas permis de s'abandonner à une meilleure interprétation de son personnage. Avec les moyens vocaux en sa possession, la grande scène finale aurait gagné en émotion. A ses côtés, l'agréable surprise vient du ténor (Manrico) dont la générosité vocale le porte aux limites de son chant. Laissant éclater sa voix sans complexes, il enchante avec un très beau « Ah! si, ben mio » rappelant les legato du célébrissime avant de s'élancer dans un flamboyant « Di quella pira l'orrendo foco » qui, s'il n'a pas encore la lumière des plus grands interprètes du rôle, laisse une impression d'aisance qui augure du meilleur pour l'avenir du chant verdien. fascine par la manière qu'il a de « raconter » son personnage. La diction claire, il sait ce qu'il chante, il sait pourquoi il le chante et il sait comment le chanter. Une qualité rare qu'il convient de relever à une époque où la critique ne semble là que pour chasser la fausse note, oubliant au passage la théâtralité des œuvres. Honnête la prestation du jeune baryton (Le Comte de Luna) dont le registre grave doit encore s'étoffer. Malgré ses efforts, la mezzo Sarah M'Punga (Azucena) peine à crédibiliser la gitane, non tant scéniquement que vocalement. Jouissant d'un registre grave splendidement timbré, elle montre ses limites dès lors qu'elle s'exprime dans le médium ou dans l'aigu. Les passages entre les voix de poitrine et de tête sont si laborieux qu'on croit entendre trois chanteuses différentes. Si Franco de Grandis (Ferrando) s'accroche à un rôle dont il n'a pas (ou plus) l'étoffe, on note les bons mais trop courts moments d'excellente musicalité de la jeune soprano (Ines) dont la voix fraîche et puissante s'intègre parfaitement à l'environnement souvent difficile des productions d'opéra en plein air

Hormis un terrible cafouillage au début du 3e acte, à noter la très bonne prestation du Chœur du Festival dont la préparation s'avère excellente. Quant à l'Orchestre du Festival, les manquements de la direction d'orchestre l'ont confiné dans un malheureux attentisme lui interdisant une quelconque brillance.

Crédit photographique : © DR

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