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Friedemann Layer et Aldo Ciccolini

Festival de Radio France et Montpellier 2006

Qui n'a jamais entendu une œuvre de passe à côté d'une expérience pour le moins atypique. Celle-ci consiste à rester éveillé une heure durant, assis au fond de son fauteuil, avec pour contrainte de subir l'arrivée ininterrompue d'ondes sonores monocordes. On pourra trouver ces propos sévères, surtout si l'on contextualise les créations du Rondo veneziano (1929) (création française) et du Concerto pour piano (1930) de Pizzetti qui constituaient la première partie du concert du 17 juillet dernier : elles s'insèrent dans le déroulement d'un festival dont le public va de l'amateur occasionnel à l'érudit exigeant.

Né à Parme en 1880, directeur des conservatoires de Florence et Milan, puis professeur de composition à Rome, Pizzetti a cherché une alternative au vérisme et au romantisme tout en écrivant une musique nationale. Ses compositions ont des allures de musique de film, dans ce sens qu'elles fuient la rupture et laissent dénoter un perpétuel souci de joliesse mélodique. Il fallait compter sur la texture ronde de l'Orchestre National de Montpellier dirigé par autant que sur la richesse de la sonorité de Ciccolini pour sauver la musique du compositeur parmesan. Celle-ci ne marquera pas les annales, mais aura plus ou moins diverti l'auditoire, qui « applaudit n'importe quoi », pour reprendre les termes d'. Le pianiste parle en grand habitué des redécouvertes, et son commentaire est à la hauteur de la prise de risques qu'il s'est imposée tout le long de sa carrière : il faut pourtant admettre que son propos répondait parfaitement à l'enthousiasme du public face aux deux créations qui étaient peut-être le fruit de son initiative. Doit-on ajouter que les « curiosités » peu originales exhibées en première partie de soirée ont pu supplanter d'éventuelles créations contemporaines, qui peinent à trouver un public large ?

Un tel débat ne peut nourrir un compte rendu d'un concert duquel la totalité du public est ressorti heureux. Car si ne pouvait totalement convaincre dans le Concerto de Pizzetti, il a été remarquable dans le Concerto « égyptien » de , lui aussi emprunt d'exotisme et divertissant, mais en revanche admirablement construit bien que taxé d'académisme. Tout est admirable chez le maître italien, à commencer par sa démarche, noble et altière, racée et caractéristique, guidée par un pas mesuré et souple, presque nonchalant. La couleur est un élément essentiel de son jeu, comme en témoignent les orientales arabesques du second mouvement, égrenées et suaves, ou encore le rayonnement solaire du finale. Charismatique, le soliste est acclamé par un public debout. Celui-ci nous rappelle que peu d'artistes ont su gérer une carrière à long terme, ce qui signifie subsister et surtout se renouveler. N'étant jamais tombé dans l'ornière d'un répertoire trop étroit, est la réponse la plus évidente à ce qui était selon Cortot le principal défi imposé au musicien : celui de « durer ».

Crédit photographique : © Marc Ginot

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