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Sacrée musique !

Festival Pablo Casals

On attend toujours avec une certaine impatience, comme à l'approche d'un rituel, les prestigieuses soirées du Festival Pablo Casals à l'Abbaye Saint-Michel-de-Cuxa, assuré d'y vivre les plus belles émotions que la magie des lieux, la qualité des concerts et de l'acoustique engendrent inévitablement. Pour sa 55ème édition, du 26 Juillet au 13 Août, le Festival de Prades fête bien évidemment Mozart abordé sous divers angles selon le choix des thématiques : Haydn et Mozart, Mozart et les femmes, Mozart à Salzbourg…que les plus grands interprètes, appelés par l'Académie internationale pour des master-class de haut niveau, viendront jouer en formation de chambre, dans l'Abbaye à 21 heures et dans les églises romanes du Conflent pour les concerts de l'après midi. Fidèle à sa politique d'ouverture en faveur des musiques d'aujourd'hui, , directeur du Festival, reçoit en résidence deux jeunes compositeurs, et Jan Errik Mikalsen – dont on entendra certaines œuvres en création – et consacre toujours un concert/hommage à Casals – le 4 Août en direct sur France Musique – en programmant cette année des œuvres dont les dates de composition correspondent à l'année de naissance et de mort du grand violoncelliste.

Premier temps fort du Festival, le concert du 28 Juillet titré « de Vienne à Montserrat » donnait à entendre, au côté du Concerto pour clarinette de Mozart, la Messe Alma redemptoris Mater d'un contemporain du compositeur salzbourgeois, Anselm Viola (1738-1798), un moine de l'abbaye de Montserrat, en Catalogne, qui, dès son plus jeune âge, se forme à la célèbre Escolania – Ecole chorale – de Montserrat et devient, après des études approfondies à Madrid, Maître de Chapelle au monastère, poste qu'il exercera pendant trente ans au côté de l'organiste et moine Narcis Casanovas.

En première partie donc, , directeur mais aussi acteur dans ce Festival, jouait le Concerto pour clarinette de Mozart avec l'Orchestre National de Chambre d'Andorre dirigé, de sa place de premier violon, par l'éminent violoniste catalan . Parfaitement à l'aise dans cette œuvre fétiche des clarinettistes, et totalement investi dans son jeu, rechercha la complicité avec un orchestre dont la précision d'archet et la finesse de l'articulation servaient admirablement l'écriture mozartienne. Comme il aime le faire, Michel Lethiec nous gratifia de ses plus beaux pianissimi, notamment dans le troisième volet du mouvement lent qu'il reprendra d'ailleurs en bis, le dédiant au Père Daniel Codina, moine de Montserrat et prieur de l'Abbaye de Saint-Michel-de-Cuxà, présent ce soir au concert et responsable de l'édition (1983) de la messe d'Anselme Viola que l'on entendait en seconde partie.

Plus encore qu'au style classique viennois c'est à la grande tradition de Bach que se rattache la Messe Alma redemptoris Mater à travers la richesse de son écriture concertante et l'ampleur de son ornementation : un chef d'œuvre sans conteste qui doit être mis au rang des plus belles partitions religieuses de cette époque. Saluons d'abord l'excellence du chœur dirigé par son chef Josep Vila i Casanas, actuel directeur de l'Orfeo Catala. On regretta d'ailleurs que la disposition scénique ne mît pas mieux en valeur la partie chorale et ses fugues jaillissantes dont l'envergure vocale, la couleur de chaque pupitre et le travail de détail dans l'articulation tendaient parfois à se fondre dans les résonances orchestrales. Il est vrai que le chœur de l'Abbaye n'est vraiment idéal que pour la musique de chambre ! Quant à la qualité des quatre solistes, tous espagnols/catalans, elle n'appelle que des superlatifs tant il est rare d'obtenir, pour un quatuor d'une telle exigence, une homogénéité de timbre – sans que les couleurs n'en pâlissent – et une maîtrise stylistique aussi accomplies. Les pages centrales du Credo – Et incarnatus, crucifixus et resurrexit – liant les voix solistes au chœur – furent d'une intensité toute particulière. Précisons que Francesc Garrigosa et Francesc Javier Comorera Tramuns furent tous deux des petits chanteurs de l‘Escolania de Montserrat et ne peuvent que nous faire envier une telle tradition du chant choral perpétuée aujourd'hui en Espagne.

Une soirée d'exception donc, dont le Festival de Prades nous accordait le privilège !

Crédit photographique : © R. Roig

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