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L’incontournable Mozart

Festival de Lanaudière

Depuis le début de l'année, on ne compte plus les concerts qui ont souligné, avec plus ou moins de bonheur, le 250e anniversaire du compositeur autrichien. Il y a eu surenchère, voire abus. On comprend peut-être un peu mieux les jérémiades de Norman Lebrecht qui déclarait que «L'exposition à un excès de Mozart est simplement l'une des formes les plus raffinées qui existe de la torture par la goutte d'eau» (1). Ce qui n'empêche nullement le mélomane de se nourrir de sa musique. Et on ne reprochera certes pas au Festival de Lanaudière d'avoir succomber au charme que procure l'art mozartien. D'ailleurs, cet été, l'enfant prodige est un incontournable sur la scène de l'Amphithéâtre, c'est le pain blanc des estivants. Il était donc prévisible que ce «Grandiose Gala Mozart» attire une foule immense. Les organisateurs ne se sont pas trompés. De l'Amphithéâtre surplombant le parterre aux tertres dominant l'espace immense des lieux, ce sont plus de 6000 personnes qui se sont réunies pour voir et entendre la musique du maître de Salzbourg. C'est assurément la foule la plus considérable rassemblée, le soir d'un concert. S'il est vrai que le bonheur est dans le pré, avec le divin Mozart, la nuit semble un peu plus fraîche et toujours étoilée. Et comme l'a souligné Claude Debussy, «rien n'est plus musical qu'un coucher de soleil». Cette soirée toute spéciale a réuni l'ensemble Les Violons du Roy et le Vancouver Chamber Choir. Une symphonie, deux concertos, des œuvres pour chœur, de la musique sacrée, des airs de concert et d'opéras, le tout étant placé judicieusement sous la baguette enchantée de . Les soprani Donna Brown et figuraient au programme et ont enthousiasmé le public ; le pianiste Alain Lefèvre quant à lui, a offert en grand orfèvre de l'art, une interprétation fort émouvante du Concerto pour piano n°23, tandis que le clarinettiste , a joué en véritable virtuose, le Concerto pour clarinette. Plus de trois heures de musique pour le plaisir de tous.

Le chef d'orchestre a fait montre d'un talent exceptionnel durant toute la soirée. De l'ouverture des Noces au Presto de la Symphonie n°38 il dirige les Violons du Roy d'une main de maître. L'idée peut paraître saugrenue d'intercaler, entre des airs d'opéras, les trois mouvements de la symphonie. Il sait faire ressortir les ors de l'orchestre, de plus, on sent le chef très attentif aux voix. Dans les deux œuvres pour chœur, il dirige le Vancouver Chamber Choir avec une exactitude exemplaire. Le public connaît bien la soprano canadienne Donna Brown. Elle a envoûté le public, déjà conquis, dès son air d'entrée : «Alma grande e nobil core». En deuxième partie, on ne peut rêver d'une Comtesse plus raffinée, plus nostalgique dans l'aria «Porgi, amor» des Nozze di Figaro. Sa consœur ne dépare pas pour autant. La voix est jeune mais bien éduquée, techniquement parfaite, de plus, on sent qu'elle est habitée par le théâtre. Son air d'entrée, «Et incarnatus est», extrait de la Messe en ut mineur, démontre l'élégance et la réserve d'un beau soprano. Après quelques moments d'hésitation dans l'aria «Ach ich liebte» de l'Enlèvement au sérail, elle a procuré une joie immense et un tonnerre d'applaudissements dans l'aria de la Reine de la Nuit, «Der Hölle Rache» de la Flûte enchantée.

N'en déplaise aux esthètes musicaux faméliques et autres aristarques souffreteux, la nuit mozartienne, a été un moment de grâce et de réjouissances. Rituel magique, véritables agapes, le commun des mortels communie avec l'apollinien, tous deux unis par un sentiment de fraternité.

Norman Lebrecht. Pourquoi Mozart me rend malade ? in La Scena Musicale (Why I'm sick of Mozart) 12 juin 2002

Crédit photographique : © DR

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