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Intégrale symphonique par Kurt Sanderling, juste un Beethov’ de plus !

« A ma mort, je voudrais être congelé. Le temps de donner à la science de me faire revivre, car je ne connais toujours rien de Beethoven. » Cette phrase de celui que l’on a considéré comme l’un des plus grands connaisseurs du Maître de Bonn, ne peut que nous remplir de modestie et d’humilité face aux diverses interprétations tant de Karajan lui-même que de tout musicien qui ose s’affronter au génie de Beethoven. L’un des compositeurs les plus connus, sans doute les plus joués au monde, l’auteur de ce qui deviendra l’hymne européen reste cependant un mystère à bien des égards. Un mystère de génie, de nouveauté, en même temps qu’une énigme de pudeur, de drame et de par-dessus tout de vie. Beethoven composait à sa guise et rares furent les commandes d’obligation auxquels il dut se plier. Sa musique est avant tout l’expression de sa vie propre, de son rapport au monde, aux événements tant personnels qu’historiques. Comment alors pénétrer l’œuvre du grand Ludwig sans être Ludwig lui-même, sans s’approcher de sa vie, son histoire, son drame personnel de surdité et son formidable combat pour, au-delà des revers, toujours aimer le monde et la vie au point de triompher du sort, dans son grandiose testament autobiographique qu’est la Symphonie n°9 ? A partir de là, chacun peut choisir, justifier sa vision des œuvres de Beethoven, à quelques canons près.

Il serait à ce propose très intéressant de connaître les choix de Sanderling pour son interprétation des neuf symphonies. Le chef imprime sa marque à Beethoven, par des tempi souvent lents, comme l’ouverture de la Symphonie n°2, ou les très pesantes et lentes Symphonies n°5 et n°9, sans parler de la lancinante n°6 qui nous laisse au bord de l’asphyxie tellement on tarde à reprendre son souffle. L’éveil des impressions agréables de la campagne se transforme en une atmosphère pesante de chaleur orageuse. Pinaillage de puriste ? Beethoven lui-même était tellement attaché au tempo qu’il reprit ces partitions pour l’inscrire, profitant de l’invention du métronome par son ami, Johann Nepomuk Maezel. Pour Beethoven, le mouvement et son tempo fondent, en partie, le sens de l’œuvre.

Paradoxalement, le thème de la Symphonie n°5 est relativement allégé, ce qui constitue peut être la curiosité intéressante de l’enregistrement. Malheureusement cette légèreté accable le second mouvement qui, à l’image de l’ensemble de l’enregistrement, manque des essentielles respirations qu’apportent les nuances. Pour rester avec cette symphonie, notons que l’usage des timbales, une des spécificités du compositeur, est pour le moins exotique, tirant nettement vers un appel à l’indienne. Sans entrer dans la querelle quelque peu dépassée et relativement simpliste d’un Beethoven premier des romantiques ou dernier des classiques, il semble que Sanderling peine à mettre en relief l’apport spécifique, certes difficile à traduire, que fut le génie de Beethoven, oscillant entre de forts éléments classiques, là où on ne les attendrait pas forcément, comme par exemple la symphonie numéro quatre, et un certain romantisme dont la pesanteur semble davantage tendre vers un expressionnisme wagnérien (du moins dans la caricature que l’on s’en fait) que vers l’expression allégée que Beethoven insuffle par ses circonvolutions autour de la tonique, ou le jeu de ses syncopes. Mais une fois encore, il serait intéressant de connaître les options qui motivent le choix de Sanderling, outre les constantes qui lui sont propres et que nous évoquions à l’instant. Fort de cela, l’ensemble est assez inégal et n’apporte rien pour une meilleure connaissance de Beethoven. Mais depuis que Beethoven est mort a-t-on vraiment pu jouer Beethoven selon Beethoven ?

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