L'excellence du chef d'orchestre néerlandais Kees Bakels (lire ici la chronique d'un concert donné avec l'Orchestre national de Lille) n'est plus à prouver. Après de grandes réussites dans Vaughan Williams pour le label Naxos, il est en train d'enregistrer une exceptionnelle anthologie Rimsky-Korsakov pour le label Bis. La grande nouveauté tient dans l'aussi surprenante que rapide affirmation de l'Orchestre philharmonique de Malaisie. Fondé en 1998, avec la manne financière du géant du pétrole local Petronas, cette phalange qui regroupe des musiciens des cinq continents s'affirme d'un niveau stupéfiant. L'homogénéité, la dynamique, l'écoute mutuelle des musiciens sont absolument dignes d'éloges et n'ont rien à envier à des formations plus anciennes et prestigieuses. La seule critique serait une relative neutralité des timbres, mais l'enthousiasme des musiciens, encouragés par un chef qui sait conjuguer précision et enthousiasme transcende ces pièces.
Rarement joués en raison de livrets à la féerie difficilement transposables scéniquement, les opéras de Rimski-Korsakov sont souvent au cœur de suites orchestrales colorées et poétiques. Le présent album regroupe outre l'ouverture de la Fiancée du Tsar et l'Ouverture sur des thèmes russes, trois fort belles suites extraites de partitions lyriques de l'auteur de Schéhérazade. Alternant passages enjoués comme la célèbre «danse des bouffons» de Snegourotchka, et des passages rêveurs à l'image du nocturne de Pan Voyevoda, ces suites sont un enchantement permanent. Avec une rage et une poésie qui n'ont rien à envier aux illustres témoignages d'Evgeny Svetlanov (Melodiya hélas supprimés), Kees Bakels est le guide idéal.
D'un minutage fort généreux, il faut faire une fête à cet enregistrement magnifié par le savoir-faire des techniciens de Bis qui nous offrent une véritable orgie sonore.