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Le passage par la case Silvestri

Le label BBC Legends nous propose un intéressant portrait de . Ce généreux double album est d'autant plus précieux que la discographie officielle de ce chef est sinistrée : alors qu'il est l'auteur d'enregistrements légendaires de musique russe, EMI se borne à éditer épisodiquement ses accompagnements de concerto.

Caractère bien trempé, était d'une exigence redoutable avec ses musiciens. S'étant passablement heurté avec les solistes de la Philharmonie de Bucarest, le chef d'orchestre découvrit avec plaisir la Grande Bretagne et ses orchestres disciplinés, lors d'une invitation à conduire le prestigieux London Philharmonic Orchestra. Exilé à Paris à partir de 1957, le musicien continua à se produire en Angleterre ; il donna une série de concerts avec l'Orchestre de Bournemouth dont une Symphonie n°4 de Tchaïkovski d'anthologie. Suite à ce succès, il fut nommé en 1961 au poste de directeur musical de la phalange. Naturalisé britannique en 1967, Silvestri présida aux destinées de l'orchestre jusqu'à son décès prématuré en 1969. Trouvant des conditions de travail optimales auprès d'un ensemble jeune et docile, le musicien livra des concerts exceptionnels dont témoignent ces disques.

Le premier volume est consacré à des pièces de compositeurs anglais. On découvre ainsi deux grandes interprétations de l'Ouverture Cockaigne et de la Symphonie n°1 d'. Culturellement assez éloigné des brumes victoriennes de cette musique, le chef la tire vers la musique française et en particulier. La notice de présentation rapporte d'ailleurs qu'il fit mettre sur les pupitres la partition de la symphonie de Franck, lors des répétitions de cette symphonie d'Elgar ; le chef voulait ainsi sensibiliser les musiciens à son refus de tout pathos brahmsien. Ces interprétations vives, fines, bondissantes, sont assez proches de celles du compositeur, avec même un peu plus de sensualité latine à l'image d'un mouvement lent coloré et parfumé. La gentille, virtuose mais secondaire ouverture de Beckus the Dandipratt du vétéran Malcom Arnold clôt ce disque sur un ton festif.

Le second CD s'ouvre avec une bonne interprétation de la Symphonie n°2 de Tchaïkovski. Si les équilibres, la dynamique et les tempi sont bien gérés, il manque à ce concert une flamme pour emporter définitivement cette musique. La suite du programme nous fait heureusement monter sur des cimes. Dans Jeux de , Silvestri retrouve amoureusement la musique française qu'il chérissait tant. La gestion de la pulsation et le sens du rythme, si particuliers dans cette œuvre, trouvent ici une traduction magique. L'orchestre se pare de ses plus belles couleurs et l'intégration des différents thèmes est idéale. On poursuit avec des Interludes Marins extraits de Peter Grimes de de la même eau. Dès les premières notes, l'auditeur est emporté au cœur du drame, la noirceur des accords, le ton crépusculaire des cuivres transcende l'impact de cette musique. On n'entend plus ici quatre extraits successifs, mais un poème symphonique en quatre parties, emporté par la même rage abandonnée et dévastatrice. Le disque se termine par une interprétation déjantée mais un peu relâchée de la célèbre et jubilatoire Rapsodie roumaine n°1 de George Enescu.

En conclusion, il faut saluer cet album d'une belle homogénéité qui rend hommage à l'un des très grands chefs d'orchestre du siècle passé. Comme toujours avec BBC Legends, la pochette de présentation est des plus soignée alors que la qualité des prises de son radiophoniques estampillées BBC est toujours plus que satisfaisante.

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