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Sibelius stylistiquement malmené ?

La majorité des mélomanes possèdent l'une et/ou l'autre version du Concerto pour violon de , alors que d'autres partitions concertantes du maître finlandais, regroupées ici, demeurent relativement confidentielles au disque. Blanche-Cygne, suite pour orchestre d'après une musique de scène pour la pièce d'August Strindberg constitue d'un autre côté un complément très appréciable et homogène, catalysant de la sorte, tout au long de ce CD, le côté intimiste de la poésie sibelienne.

Le hic, ici, c'est l'interprétation. De la musique de , il existe suffisamment de témoignages discographiques approuvés ou supervisés par le compositeur pour accorder un quelconque crédit à cette publication du label finlandais Ondine : ne citons que les accomplissements réalisés du vivant du compositeur par ses amis Robert Kajanus, Georg Schnéevoigt, Leopold Stokowski, Anthony Collins, Sir Thomas Beecham, Herbert von Karajan, Sixten Ehrling et Eugene Ormandy, les deux derniers ayant gravé le Concerto pour violon avec le royal David Oïstrakh.

L'audition de tous ces témoignages cautionnés par le compositeur finlandais démontre à quel point le violoniste , jouant pourtant – selon l'expression consacrée – dans son arbre généalogique, se fourvoie complètement dans ce répertoire au demeurant si passionnant. On sait que la technique du jeu baroque est à la mode depuis bien des années et semble actuellement envahir des terrains qui ne lui sont normalement pas destinés : qu'on applique cette technique à la musique de Sibelius relève soit d'un manque flagrant de connaissance de son style, soit de l'inconscience la plus totale, soit d'un désir de vouloir absolument se distinguer à tout prix. joue léché et maniéré, certaines notes sont escamotées et ne sortent pas, d'autres sont carrément fausses ; on dirait que cet amateur de jazz et de musique électronique s'évertue à déployer dans Sibelius toute la panoplie de ce qu'il ne faut pas faire, même en musique baroque : sons poussés et « miaulés » – que l'on confond souvent avec l'expressivité ; notes finales de phrases musicales, qui se font désirer par un retard anti-naturel – comme si on les cherchait ! Il y a même des sons non vibrés, ce qui est une aberration vis-à-vis de l'époque de Sibelius, ainsi que des portamenti, ce qu'au Conservatoire nous appelons par moquerie des « dégueulandi » ! Tout cela sonne vraiment crincrin ! Et même l'orchestre « dirigé » par lui paraît anémique. De toutes ces merveilleuses partitions pour violon et orchestre de Sibelius, intimistes, subtiles et raffinées, il est vraiment malheureux que nous donne des caricatures qui les assimilent à de la musiquette. Au moins la remarquable suite pour orchestre Blanche-Cygne échappe quelque peu – mais si peu ! – à cet état de choses pour la simple raison que Pekka Kuusisto ne s'y fait pas remarquer en tant que soliste.

Pour les Six Humoresques, le chercheur tentera de retrouver l'enregistrement miraculeux d'Aaron Rosand (Vox Box CDX 5116) ; pour une véritable intégrale violon-orchestre de , y compris le Concerto, mieux vaut se tourner vers le violoniste Christian Tetzlaff, soutenu par Thomas Dausgaard à la tête de l'Orchestre Symphonique National Danois (Virgin 5455342), tandis que Blanche-Cygne voit son enregistrement complet (en quatorze parties, au lieu des sept habituelles de la Suite) par l'Orchestre Symphonique de Lahti sous la direction d'Osmo Vänskä (BIS-CD-815).

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