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Babi Yar au ras des pâquerettes

Babi Yar, ce n'est pas seulement l'histoire de l'extermination des Juifs de Kiev par les nazis en 1941, soit 100. 000 personnes. C'est l'histoire d'un crime contre l'humanité caché par les autorités soviétiques jusqu'à ce que deux hommes de conscience, le poète Evgeni Yevtushenko en 1961 puis le compositeur en 1962 se dressent pour dénoncer l'antisémitisme et donner enfin un sépulcre aux victimes.

Les raisons de ce secret d'Etat sont multiples. A la suite des nazis, Staline encouragea puis initia des campagnes antisémites à travers le pays. Si le massacre de Babi Yar ne se limita pas aux seuls Juifs, il est d'une part avéré que la population ukrainienne participa aux opérations d'extermination, et d'autre part, il n'est pas avéré qu'elle y avait été forcée par l'armée d'occupation. Enfin, à l'instar de la France d'après-guerre, il n'était pas même concevable que les Juifs soient reconnus comme premières victimes de l'extermination.

La musique de Chostakovitch est, par nécessité, d'une nature schizophrénique, elle dit souvent le contraire de ce qu'elle a l'air de dire, et c'est toute la difficulté pour le chef de retranscrire cette musique à double-fond. Marc Wigglesworth, qui sera le prochain directeur musical de la Monnaie à Bruxelles, s'en tient malheureusement au premier degré. Le paysage de mort que dépeint Chostakovitch en ouverture de cette symphonie ressemble sous sa baguette à un splendide paysage écossais, où la pire rencontre qu'on puisse faire est celle d'un mouton. Cela ne s'arrange pas après. Dans le dernier mouvement, là où Chostakovitch raille par une musique faussement primesautière la joie officielle imposée par le régime, , lui, y représente le bonheur insouciant d'une kolkhozienne dans les pâquerettes.

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